J'ai vécu dans le flou une partie de ma vie. Ce commença tôt, ma myopie était apparue au cours élémentaire. J'étais au fond de la classe, je ne voyais plus très bien. Je le dis. On cru à une coquetterie. Une envie de lorgnons pour faire genre, imiter mes ainés. On me promis une bonne branlée si c'était un coup. Je persistais dans mon affirmation et on me fit passer un test.
Je n'avais pas menti mais je ne crois pas que l'on s'excusa. Une bonne dizaine d'années allait s'ouvrir à porter une paire de lunettes. Très vite, j'eus cet objet blessant en horreur. Je les déformais souvent et ça agaçait le père peu patient. Un enfant myope voit sa vue décliner très vite au fil de la croissance. Les moments où on ne peut les porter sont assez nombreux, notamment la plupart des temps sportifs, sans cela amplifia-t-il mon inaptitude chronique. Il est difficile d'être précis quand on est dans le flou. Dans l'eau je flottais dans des décors impressionnistes. Les corps de mes camarades étaient vagues. Quand je quittais les vagues, je chercher longuement ma serviette sur la plage si jamais j'avais dérivé. Je fus pris en photo lors d'un tel moment et je ne me reconnus pas, tant je ne connaissais pas mon visage hors le cercle de fer. A mon premier essai de lentilles, je fus fasciné par le visage de l'adolescent que je découvris dans le miroir. Est-ce bien moi ? Je n'en revenais pas et j'eus beaucoup de mal à m'approprier cette nouvelle image.
PS : je devais avoir remis mes lunettes, pour me souvenir aussi nettement de la queue de M.
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