dimanche 13 janvier 2019

Partir dans un chant à quatre voix

Si je n'ai pas encore décidé de quelle manière je retournerai en poussière, je sais qu'il y aura des voix qui s'élèveront, pour la plupart dans une langue peut-être devenue morte. Un clocher sonnera peut-être dans le lointain mais ce ne sera pas pour moi. J'imagine recevoir les amis devant ma porte. Il y a la place. On me sortira les pieds devant et ils chanteront, à la vie, à la mort. Il n'y aura pas d'encens. Mais du vin, qu'on partagera. Puis avant la tombée du jour, on m’emmènera au dernier endroit.
Comme autrefois, les hommes attendaient devant l'église l'arrivée du cercueil et de la famille. Les femmes entraient les unes après les autres et allaient s'asseoir sur la place de la famille. Quelques vieux les suivaient car il n'avaient plus l'âge de rester debout. C'est un village, la nef est petite,et si le défunt n'est pas trop jeune ou trop connu, il reste toujours quelque bout de banc pour se caser, même pour les non-natifs comme moi. On monte sur la tribune, d'où la vue est imprenable. Sinon, il faut rester dehors dans le froid ou sous le soleil, dans une ambiance qui s'éloigne vite du recueillement, surtout l'hiver où l'on doit fermer les portes. Je n'aime pas rester dehors, les hommes parlent vite trop fort voire osent rire. Et on n'entend pas les chants. Des chants religieux, ce n'est pas mon truc, mais les voix si, surtout quand il y en a quatre. Ça chevrote un peu, quelques voix de femmes sont un peu criardes, mais c'est joli quand même de partir comme ça. Le deuil est facilité. On pourra dire qu'il a eu une belle messe. Ça compte.
Je ne me souvenais pas du rituel de départ d'un ancien combattant. Les arrangements entre vieux ennemis sont toujours étonnants. La Gueuse et le Goupillon. Le cercueil était couvert du drapeau tricolore et deux hommes chenus tenaient bien droit les couleurs de quelques régiments. J'ai cependant été surpris de voir les pavillons s'incliner au moment de l'eucharistie. Un peu plus tard, ils se plaçaient devant le cercueil pour anticiper la sortie, quand le prêtre les a écarté d'un revers agacé.
Le soleil avait disparu, le froid nous saisit à la sortie et sur le trajet vers le cimetière. On serrait les mains ou baisait les joues qui n'avaient pu l'être au début. Devant la dernière demeure, j'évitai de toucher le goupillon, mais je n'eus pas le choix que de me mouiller d'eau bénite pour toucher le bois de la caisse. Sur la tombe voisine, un ami parti trop tôt m'envoyait son sourire figé sur la pierre.
Il faudrait que je me décide. Si je devais venir là, je ne voudrais pas dormir à côté de n'importe qui...
Des embrassades encore, des retrouvailles, quelques mots échangés, célébrant ce temps qui passe et ce monde qui a tant changé depuis que j'ai posé les pieds sur ce petit coin de terre si loin de mon pays taiseux.



2 commentaires:

  1. Le chœur final de la passion selon saint jean de J S Bach et en français S V P !

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