Je sublime plus souvent qu'il n'y parait

La première fois que je l'ai rencontré, c'était lors d'un souper chez des amis. Il m'a fasciné tout de suite. Grand, mince, une posture élégante, la belle quarantaine, le visage carré des géants blonds de quelque contrée nordique, sa chevelure était passée au gris et cela le rendait magnifique. Et avec cela, une voix grave et un sourire épanoui. Il était en famille, avec femme et enfants. On habite à deux pas, dans un coin de campagne où tout se sait vite. Que voulais-tu que je fasse ? Je succombai à ses charmes bien sûr. Dans mes rêves. Nous nous étions trouvés des atomes crochus très diffus : la conversation nous avait révélés curieux l'un de l'autre, avec toute la distance nécessaire en société. 
Depuis, on se croise de temps à autres. De loin, un salut quand il passe sur la route et que je travaille aux champs. Aujourd'hui, j'étais à la clôture et il s'est arrêté. On s'est serré la main avant de parler une bonne dizaine de minutes. Il est vraiment charmant et charmeur. Je n'avais pas encore remarqué cette façon de se redresser périodiquement. Pas de bomber le torse comme un coq gaulois, non un balancement alterné des deux épaules qui induit un curieux mouvement du visage. Comme si un drôle de frisson le remontait de bas en haut du corps. Diable, est-ce moi qui génère un tel effet ? Mais je n'en saurai jamais rien. Comment pourrais-je ? Je me contenterai de lui prêter des penchants sensibles...