samedi 30 décembre 2023

La fin des oncles à bretelles

J’avais vu Carole B. à Quotidien jeudi 21 décembre. J’avais écouté sa belle colère, comme j’avais lu les interventions d’Élisabeth D. et de Julie D. J’ai entendu les détails de ce parcours qui devrait dédouaner de toute accusation de complaisance et les allusions à ce qu’elle connaissait de l’intime de cet homme. J’avais bien noté qu’elle ne cautionnait pas les propos graveleux même si elle les prenait avec une certaine légèreté, évoquant une forme d’humour. 

Puis il y eut cette déferlante de surenchère, stimulée par la position du président de la République, qui appela d’autres réactions, témoignages et surtout analyses (comme celle de cette historienne du cinéma) nous donnant à penser de quoi notre monstre sacré est le nom. Dans monstre sacré, selon ce que l’on est, que l’on a vu ou vécu, il y a monstre ou sacré. Pour ce qui me concerne, mes souvenirs familiaux m’inclinent vers le monstre.

J’ai lu que l’âge moyen des signataires de la tribune du 25 décembre était de 70 ans.  À cet âge, on a forcément connu les oncles à bretelles, ces hommes rondouillards à l’humour graveleux et sexualisé. L’oncle à bretelles est une figure des familles d’une certaine époque. En général c'était lui qui introduisait les blagues salaces dans les grands repas, au moment du fromage, quand les enfants avaient quitté la table. Ses parents, sa femme, ses enfants l’adoraient, au delà c’était plus complexe. Il n’y a pas vraiment de problème avec les hommes, avec lesquels il tenait bonne place. Avec les femmes de pouvoir familial non plus, elles n'étaient pas ses cibles. Il y avait de leur part non une forme de connivence mais plutôt un aveuglement lié à l'éducation et au conditionnement. Par contre, les femmes généalogiquement éloignées s’en méfiaient et ne recherchait une bonne place à ses côtés dans ces repas de famille où l’on semblait fermer les yeux sur les mains baladeuses - certaines photos en laissaient quelques traces. Les jeunes femmes qui entraient dans le cercle étaient en général prévenues qu’elles auraient à subir des allusions grotesques voire perverses ; selon leur personnalité elles s’en tiraient plus ou moins bien. Les enfants se tenaient à carreaux, il n’avait pas son pareil pour leur pincer les oreilles, quand ce n’était pas plus. Mon oncle à bretelles, par exemple, ne perdait pas une occasion d’essayer de tenter de me baisser le pantalon. Tout le monde le savait lourd et, de temps en temps, il lui était gentiment conseillé d'arrêter. Mais j'imagine qu'on était certain qu'il n’aurait pas fait de mal à une mouche, d'autant comme disait sa propre femme, qu'avec son diabète il était impuissant, comme si on ne pouvait abuser qu'avec son sexe. L'oncle à bretelles est mort il y a bien longtemps, je ne saurais dire jusqu'où il a pu aller. Les secrets de famille sont si bien gardés. Finalement, en apparence, rien de répréhensible dans tout cela. On semble ainsi nous dire qu'il faut grandir et vivre avec. Mais non, ça suffit les oncles à bretelles, si célèbre soient-ils.

Bien évidemment, ce billet n'a pas pour objet de stigmatiser les porteurs de bretelles d'une manière générale et quel que soit leur tour de taille. D'ailleurs, les rares porteurs des quarante dernières années, dont Raymond Devos reste un grand souvenir, ont sauvé de l'oubli un objet qui revient largement à la mode. J'en ai moi-même une très jolie paire.




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