mercredi 29 novembre 2017

D’où l’on vient

J'étais de passage dans cette ville périphérique d'une métropole. Le quartier paraissait improbable au premier abord. Je n’avais pas vraiment l’habitude. Il y avait pourtant des sons très habituels, ceux des enfants qui vont à l’école, avec cette turbulence matinale qui se calmera un peu plus tard. Seulement les mères étaient pour certaines voilées et les accents plus gutturaux que ceux que j’avais connus. Au détour d’une rue je suis arrivé devant le café que j’avais repéré sur le plan. À travers les vitres, j'ai vu qu'il était vide. J’espérais autre chose, sans doute cette habitude des cafés animés de centre-ville où je démarre la journée habituellement. Le décor était dépouillé, le comptoir semblait d’une autre époque. J’ai hésité mais je ne savais pas ce que j’allais trouver plus loin en m’enfonçant dans cette banlieue dont le garçon de la nuit m’avait confié le pire. Je suis entré. L’odeur puissante m’a envahi. Celle de la fumée qui incrustait les murs et fauteuils, avec quelques relents de vapeurs alcooliques. Un tapis de carte évoquait les parties qui avaient certainement duré tard dans la nuit, jusqu’à une heure ou plus personne ne se préoccupe de la réglementation sur l’usage de la cigarette dans les lieux ouverts au public. Je me suis assis dans un de ces fauteuils fatigués qui évoquaient l’Empire. Le serveur était d’origine maghrébine. Dans les souvenirs qui se bousculaient depuis que j’avais poussé la porte, il était russe blanc. La disposition était différente mais le lieu identique dans sa composition, une salle minimaliste et une arrière-salle qui s’ouvrait sur le côté où la machine à parier remplaçait le flipper.
J’imaginais sans peine la fréquentation qui viendrait plus tard dans la journée. Seuls les accents seraient différents, pour sans doute s’effacer à leur tour après quelques décennies par cet effroyable fusion dans le creuset du peuple unique et indivisible. Ce n’était qu’une question de temps et de quelques soubresauts inéluctables. Ces gens-là posaient leurs coudes sur la table, se disaient bon appétit par conscience de ce que c'est d’avoir eu faim un jour. Pourtant il ne rotaient pas à table et leur descendance participerait au monde de demain. Je venais aussi de là, je ne l'oubliais pas.

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