Avec Basile, l’aventure avait commencée trois semaines auparavant. Son profil m'avait accroché plusieurs fois. Il était illustré simplement par quelques photos de parties du visage. Le menton était séduisant. Un soir, son visage, très beau, apparaissait en entier. Je lui parlai. Il répondit. Je regrette de n'avoir pas conservé le dialogue. J'en ai gardé de plus récents mais pas celui-ci. Des résonances immédiates. Des points communs. Nous avons parlé plusieurs fois ainsi longuement. J'aime ces démarrages où il n'est pas question de sexe. Il avait un style très littéraire et précieux, un langage très châtié, au vocabulaire parfois désuet, et tantôt un parler spécifique, par ses caractéristiques géographiques, qui m'était inconnu, tout en relevant du même fond vernaculaire que le mien. Tout cela sur fond de rivalité citadine immémoriale que nous traitions au second degré comme peuvent s'amuser deux personnes de Nantes et Rennes, Nancy et Metz, Aix et Marseille, Toulouse et Bordeaux, Clochemerle et Trifouilly-les-oies...
Nous avions prévu de prendre un verre ensemble et de poursuivre nos conversation de vive voix. Il n'envisageait cependant pas d'aller plus loin, pour une raison qui resta obscure. Basile ne répond pas aux questions qui l'importunent. J'avais proposé vers 19 h, une soirée où j'étais de passage. Mais il ne se connectait pas. Ni lui, ni aucun autre de mes contacts d'ailleurs, mais j'avais de quoi faire avec tout ce retard qui m'oppresse. Son apparition vers 21 h fut assortie d'un désolé pour l'heure auquel je répondis que je n'en étais de toute façon encore qu'au début de soirée. Je n'avais pas mangé...
Nous convînmes d'un rendez-vous à 22 h au pied d'une statue équestre érigée sur une place de la ville. A l'heure dite, j'y étais ou presque. En général je me positionne à quelques dizaines de mètres et je laisse mon rencart arriver afin de tenter de le deviner. La plupart du temps l'autre fait pareil. Cela donne des situations amusantes comme cette fois où j'attendais un géant brun qui s’avéra être blond mais que j'identifiai cependant au moment où il s'apprêtait à rejoindre l'homme qui était à la place exacte où j'aurais dû être...
Il était en retard.
J'attendis.
Il n'arriva pas par où je l’espérais.
A l'extrémité du mur contre lequel je stationnais, un jeune homme s’était arrêté et pianotait sur son téléphone. C’était lui mais je le pensais bien plus grand !
Je m'approchai. Sourire. Des bises.
J'avais hésité dans mon choix vestimentaire entre plutôt élégant ou très décontracté. J'avais choisi un entre deux. Il était carrément dans une tenue estivale aux jambes courtes, teeshirt moulant qui accentuait l'étroitesse de son torse que renforçait également la tête forte auréolée par sa chevelure ample. Un contraste saisissant.
Nous avons tracé dans les rues à la recherche d'un bistrot. Il se faisait tard mais dans une grande ville nous aurions dû y arriver. Il aurait fallu faire le choix des faubourgs du centre historique. L'on fermait déjà ici ou là, l'on commençait à ranger et le choix des places devenait restreint. Nous parvinrent à nous poser cependant.
Volubile en diable, comment il s'est livré ce soir-là ! Nos discussions initiales se confirmaient dans leur fond culturel, s'y ajoutaient beaucoup de références personnelles et familiales. Je participais sans trop de réserves, mais il restait au centre. J'aimais le voir s'animer avec passion, révolte parfois, dans un accent agréable qui chantait différemment du mien.
Au bout d'une heure et demi passée, je me demandai si nous allions continuer ainsi toute la nuit ou du moins jusqu'a la fermeture du bar dont les garçons s'affairaient en empilant les chaises vides et le patron faisait la caisse. Je proposai de bouger. Nous partîmes à nouveau par les rues dans une direction commune dont il faudrait bien qu'elle diverge à un certain moment. Il parlait toujours mais ne proposait pas de suite. J'hésitai jusqu'à mon intersection. Je ne voulais pas échouer alors qu'il m'avait clairement dit épistolairement qu'il ne se passerait rien. Mais l'homme a ses raisons que la raison ignore. Je lui proposai de poursuivre plus intimement dans son havre ou le mien. Il préféra que nous allions dans son appartement. Dans les faits plus crus, je balançai un simple, on fait quoi, tu viens à mon studio ? auquel il répondit sans hésiter je préfère qu'on aille chez moi. Je compris que sa préférence tenait à des raisons difficiles à avouer. Je pressentis en cet instant qu'il était d'un minutie casanière quasi compulsive. Et tu ne le croiras peut-être pas, j'adorais cela.
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