vendredi 13 juillet 2018

Le garçon aux doigts de fée

Comme Orlan, j’ai pu voir l’origine de la guerre dans le sexe des hommes. Je me souviens par exemple de cette allusion sordide de ce chef de service qui pensait qu’il aurait raison de moi pour avoir la plus grosse.
Je fus fasciné par la beauté paisible du sexe de Camille dans son écrin de peau douce et brune et cette prairie de soies noires soigneusement entretenue. J’en rêve encore et j’ai hâte de retrouver ses douceurs.
La première fois, Camille m’attendait sur un bloc de granit rose, sous la belle lumière que renvoyait du soleil la façade de brique. Je l’ai capté quelques fractions de seconde avant qu’il ne tourne la tête et me sourit.
Il avait attendu trois bons quarts d’heure. Il avait été déçu de voir filer le temps sans aucune nouvelle. Mais j’étais là maintenant et cela lui suffisait. Nous nous sommes embrassés sur les deux joues.
Nous avons choisi un café. En fait, je l’ai amené dans un café où il m’arrive de manger le midi. Un de ces vieux bistrots dont le décor conçu avant les années miroirs et banquettes en skaï traverse les ans de manière intemporelle.
Nous parlâmes tous deux contenant l’envie irrépressible de se toucher et de tendre les lèvres. Nous l’évoquâmes plus tard alors que nous n’étions plus en situation de le faire. Il me parla de lui, je fus plus réservé comme toujours au premier rendez-vous. Je finis par lui dire cependant ce que je connaissais précisément de son métier pour avoir connu quelqu’un de proche qui occupa son poste de travail. J’étais surpris de cette coïncidence qui faisait que l’un des souffles de ma vie avait un parcours similaire, les mêmes doigts de fée et s’était assis autour de la même table d’atelier.
Son port de tête avait beaucoup de délicatesse dans le mouvement léger qui accompagnait ses paroles.
Sous son teeshirt je devinais un torse dessiné dont je n’imaginais pas cependant la précision de trait que je découvrirais plus tard. À l’endroit où l’ourlet dévoile le biceps, mon regard s’attachait régulièrement à une cicatrice qui devait sans doute se déployer vers le haut du bras. Ce type de trace que l’on parcourt du bout des doigts après l’amour, dans un dernier émerveillement.
Il a fallu se quitter.
Je me suis retourné. Il s’éloignait à travers la place entre les passants, il avait un léger balancement qui lui donnait une allure charmante.

4 commentaires:

  1. Proust dans ce qu'il avait de plus remarquable dans le souci de mettre des mots là où il n'y a qu'un ressenti . Je suis fan, partisan car je ne trouve pas le mot exact .

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    1. Joseph, vous exagérez dans le comparaison mais que vous m’aimiez me ravit. Merci.

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  2. Très littéraire et sensuel à la fois ce post.
    Moi aussi,je rêve d'un homme aux doigts de fée,et pas que les doigts...
    Pierre

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    1. La deuxième fois, il avait des doigts d'elfe...

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