Facebook me suggère Amélie Mauresmo comme amie sur mon profil professionnel. La championne de tennis. Dans mon souvenir elle s’appelait Aurélie. J’ai vérifié c’est bien Amélie. Ça ne change pas grand chose. À part en 5e où j’ai tenté de m’exprimer dans ce sport après m’être dégouté des sports-co l’année précédente, je ne me suis jamais intéressé au tennis. J’ai bien regardé autrefois quelques tournois à la télévision mais c’était pour les beaux yeux d’Émile quand nous étions au collège ou plus tard en comatant sur le canapé à côté de la femme de ma vie. Pourquoi Facebook me fait ça, qui plus est sur ce profil où je n’ai pas d’amis ?
Nous n’avions pas classe le jeudi après-midi. La plupart du temps nous allions chez Émile. On se déchaussait au rez-de-chaussée de la grande maison. Il me donnait des pantoufles. Il ne fallait pas salir, ni même marcher en chaussettes moites. On goûtait dans la cuisine. Émile essuyait rapidement toute tâche sur le carrelage, les gouttes d’eau sur l’évier en inox. Il devait se faire gronder pour un rien pour être aussi craintif. On s’installait dans le séjour salle à manger immense et immaculé. Je me demandais depuis toujours pourquoi tant de place, ses parents ne recevaient jamais, ils n’avaient d’amis et leur famille vivait dans une campagne où ils retournaient tous les dimanches. Sur le canapé clair, une toile protégeait les coussins, on s’affalait dessus pour regarder la télévision, des feuilletons, je me souviens de Lagardère avec Jean Piat, qui a beaucoup vieilli, et puis le tennis. Autant j’adorais Lagardère autant le jeu de balle m’ennuyait. Il pouvait alors m’arriver d’embêter Émile mais il fallait faire attention de ne pas mettre le canapé en vrac. On partait dans sa chambre, aménagée avec une froideur rationnelle et tout aussi marquée par l’absence de décoration que le reste de la maison. Il ne fallait pas percer les murs pour poser une fixation ni coller la moindre chose. Le lit était replié dans un meuble vertical. Il n’y avait pas de bureau, il faisait ses devoirs sur la table de la cuisine sous la surveillance de ses parents. Fonctionnaires, ils rentraient tous les deux de bonne heure et pouvait s’occuper de la petite merveille unique qu’ils avaient conçue. Dans la chambre, on se battait parfois, enfin je je veux qu’on faisait des petits jeux de lutte. C’est ainsi qu’un jour un défi m’avait permis de toucher son sexe. Nous étions cette fois dans ma chambre mal rangée, j’avais réussi à glisser ma main sous la ceinture du pantalon. Il était bien plus fort que moi mais j’avais mis beaucoup d’énergie dans l’affaire. Il fut plutôt vexé, refusa d’admettre que j’avais atteint l’objectif et disait que lui l’avait fait, ce qui était faux. J’étais assez fier de moi, même si l’instant avait été particulièrement bref. Nous n’étions pas allé plus loin. Émile, je ne le verrai nu que l’année de nos 17 ans et encore de manière très fugace car ce n’est que l’année suivante que je m’apercevrais qu’il était circoncis. Je compris alors la pudeur extrême qui avait toujours été la sienne jusqu’alors. Je l’ai déjà dit sans doute. Émile était alors beau comme un dieu grec. Je garde un souvenir encore ébloui de son corps au torse finement musclé, large et imberbe, avec de tout petits tétons, et de son gland dénudé reposant sur les bourses dans un écrin ambré, dans une pose alanguie au bord d’une rivière cévenole.
Émile me revient à la faveur d'un contact non encore concrétisé. Il me fait tripper à différents points de vue. On verra si nous allons plus loin. Il ressemble à Émile, ou du moins à ce qu'il aurait pu devenir ou à ce que j’aurais aimé qu'il devienne. Il est cependant un peu trop jeune et le prénom qu'il m'a donné - peut-être un pseudo - ne correspond pas.
Me revient également cette question récurrente, comment ai-je pu ne pas me rendre compte plus tôt qu'on pouvait aimer les garçons. En même temps, je sais bien que cette absence de conscience m'a peut-être sauvé, que je lui dois d'être encore vivant et d'en profiter aujourd’hui
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