mardi 6 avril 2021

L’ennemi commun

Pour souder un groupe comprenant des éléments qui ne s’apprécient guère voir se détestent, une solution très simple consiste à trouver l’ennemi commun. C’est politiquement fait et les extrêmes de tout bord ont nommé... l’écolo. Je dirais même l’extrême écolo, désigné de conserve par l’extrême droite, la droite extrême, l’extrême centre et l’extrême gauche. Aujourd’hui il semble bien que tous en soient réduits à ces dernières extrémités.

Dans la ville où j’ai grandi, l’aéroport comportait une terrasse d’où l’on pouvait regarder défiler les avions. Voler n’était pas encore un sport de masse. La bagnole finissait de se démocratiser. Mon père rêvait d’une grosse Citroën et de lignes droites de deux fois deux voies tandis  qu’il s’accrochait au volant de sa petite cylindrée pied au plancher pour profiter au maximum de la trop brève voie de dépassement. 

Le peuple pouvait venir voir décoller les classes aisées. Nous ne nous en privions pas et régulièrement certains dimanches nous finissions l’après-midi sur cette terrasse à regarder vrombir le dernier vol pour Paris. Nous avions vu passer le Concorde, s’écraser le Tupolev sur Ermenonville et plus tard le Concorde. De quoi rêvais-je en ces temps ? De voyage en ballon. J’avais été marqué par Deux ans de vacances de Jules Verne. J’avais vu aussi un court métrage sur une montgolfière qui survolait le pays de mes ancêtres et des citadelles du vertige. J’ai fini par connaître l'émoi du voyage en ballon. Deux petites heures de ma vie bien plus riches que les dix jours de temps cumulés à faire l’équivalent de trois fois le tour de la terre en avion (source Air France, modifiée par quelques approximations pour tenir compte de l'époque d'avant l'appli et des autres compagnies).

Bien sûr on ne gouverne pas les rêves des enfants. Mais qui peut penser un seul instant qu’ils ne sont pas influencés voire conditionnés par notre mode de vie, notre culture et les images qui nous entourent et nous imprègnent. 

Les extrêmes y vont chacun de leur citation. Saint-Exupéry y tient une bonne place, évidemment. Comme si citer un auteur valait démonstration. On pourrait tout aussi bien conclure avec Coluche (“On croit que les rêves, c’est fait pour se réaliser. C'est ça, le problème des rêves : c’est que c’est fait pour être rêvé.”), Robert Desnos (“Une place pour les rêves Mais les rêves à leur place.”), Léon-Paul Fargue (“J’ai tant rêvé, j’ai tant rêvé que je ne suis plus d’ici.”) ou encore Marek Halter (“Certes, un rêve de beignet, c’est un rêve, pas un beignet. Mais un rêve de voyage, c’est déjà un voyage.”).

Méluche quant à lui en appelle Icare. N’est-ce pas oublier qu’il s’est brûlé les ailes, à l’instar de notre monde « moderne » ?

Je ne crois pas que je reprendrai l’avion.

PS : Supprimer les subventions des pouvoirs publics aux sports mécaniques, j’avoue que je ne suis pas contre. 

PS2 : Les prochaines campagnes électorales vont être sanglantes.


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