lundi 31 décembre 2018

Pour finir en beauté

André Delfau (1914 – 2000), gouache
La dernière fois avant l'exil que décrit Quentin. Si je devais m'arrêter, ce pourrait être là.
Les gars étaient chauds ce soir-là. Comme l'air humide qui circulait dans le hammam et enveloppait les corps. Ils repoussaient facilement la serviette et sortait leur sexe bandé. J'en étais, contre le pilier central, et je le regardais.
Les deux jours que je passais à Paris commençaient par un lundi soir. J'avais essayé d'embarquer un ami blogueur dans la soirée cagoule de l'Impact pour un exercice littéraire. L'idée c'était de passer un bon moment à raconter ensuite sur nos blogs en se concertant uniquement sur la date et l'heure où nous aurions publié. Mais c'était un peu compliqué pour lui, dans un emploi du temps trop chargé. Il renonça. J'arrivai seul au lieu dit. Je compris de loin qu'il se passait un truc anormal : le flux était inversé. La porte s’entrebâillait et les gars repartaient. Dégâts des eaux. Fermeture exceptionnelle. Que faire, tracer jusqu'à l'Entre-deux-eaux ? Je n'avais guère envie, je dormais rive gauche, allonger le pas et revenir - je voulais marcher - ne m'emballaient pas. Je me rabattis sur le Sun, vers lequel je ne pensais plus revenir.
Dans le hammam, les gars étaient très chauds. Avaient-ils tous fait comme moi ? A mon premier passage, une belle scène érotique occupait la grande niche. Je restai contemplatif avant de faire un tour aux étages où je découvris un nouvel agencement dans le fond d'un couloir, une espèce de salon à la lumière tamisée. Le fumoir avait aussi changé de place.

Patrick Hennessy, IMMA Modern Irish Masters, In the Hammam, ©. 1965 private collectionDans le couloir, un jeune homme nu déclame Baudelaire. Je l'écoute un instant.
Retour au hammam. La pièce précédente est finie. Deux gus sont assis contre la niche et regardent un troisième, un brun fin, tous les trois bandés à bloc. Je m'installe au pilier. Je mate à mon tour comme tous les garçons alignés sur les autres bancs. Les mains vont et viennent en solitaire sur les queues. Le brun appelle mon regard. Il tourne de plus en plus en régulièrement la tête vers moi. Soudain il se lève. Il s'arrête devant moi. Ce bel arabe me sourit, me touche et commence à me caresser. Il pose de légers baisers sur mes épaules. Son corps est sculpté comme j'aime, je parcours sa peau douce, je sens ses muscles fermes sans qu'il ait besoin de les tendre. Je me lève, on s'étreint. Sa main s'égare entre mes jambes. Son sexe se rapproche. Je sais ce qu'il veut et j'aimerais, mais ce n'est pas le soir... Tant pis. Il me serre, me retourne, son membre glisse entre mes cuisses, je le sens butter contre mes bourses. Il se saisit de mon sexe. Me branle. Me conduit à la jouissance. On a oublié tous ces gars qui se masturbent autour de nous. Maintenant, on se regarde, on s'embrasse, il me sourit encore, je fonds. On se sépare, nos bras glissent jusqu'à ce que nos doigts se touchent une dernière fois.
Je vais errer encore. Aux étages, je croiserai un bel éphèbe à la barbe courte, il me suit dans la darkroom, puis recule. Je reviens au hammam. Nouveaux jeux de regards et de mains. Les gars circulent, s'assoient un peu, s’apparient, parfois s'accouplent puis repartent. Je caresse le torse de celui-là. Celui-ci s'empare de ma queue et m'entraine dans une masturbation effrénée. J'explose, il continue, je n'en peux plus, je stoppe sa main. Retour à la douche. Je vais me sécher au sauna. Je me fais mater. Quand je sors il me suit. Il me plait, j'aurais pu passer un moment agréable, mais il se fait tard.
Je rentre.
En attendant l'exil.



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