mardi 4 septembre 2018

L'autre Régis

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Fidélités ou loyautés ? J'avais pris prétexte de la réplique "j'ai couché avec Régis" dans Eva pour évoquer une première fêlure. Voici la deuxième...
Je me souviens de la petite cuisine. A l'époque, on parlait de cuisine intégrée. Je ne sais pas si on utilise encore ce terme. Les autres cuisines relèvent d'un monde antédiluvien, d'avant le déluge de biens de consommation.
Ça se passait dans la cuisine.  Je crois qu'on avait fait diner les enfants. On ne prenait pas encore le repas avec eux, vu leur âge. Ils étaient peut-être couchés ou jouaient dans le séjour.
Régis était un de ses collègues de travail. Et aussi l'amant secret de sa grande amie de l'époque que nous commencions à recevoir avec son mari et ses enfants. Cette amitié s'était construite depuis quelque mois. L'amie lui avait parlé de son couple et de son aventure. Elle me racontait. J'y voyais les feux de la quarantaine, le démon de midi avant que les corps ne s'apaisent. On croyait à ça. Comme si les corps pouvaient s'apaiser.
Régis était un beau gosse qui s'approchait un peu derrière nous de la fin de la vingtaine. Un théâtreux brun et élancé, sûr de lui, qui rayonnait de sa culture littéraire. Je le trouvais assez beau mais inaccessible. Le genre de gars devant lequel je fondais de timidité. Je devenais transparent, sans conversation, incapable même d'aligner une phrase intelligente.
Régis avait une copine, très belle jeune femme aux cheveux qui flottaient dans le vent. Elle irradiait.
J'étais un jeune homme rangé qui avançait sur les rails que mon éducation familiale et scolaire avait posés devant moi avec ses étapes naturelles. Le couple, les enfants, la famille et les repas du dimanche, le travail. J'avais besoin de me rassurer et je m'étais persuadé que tout se joue avant trente ans. Je crois voir aujourd'hui à quel point sans doute j'avais peur de moi-même plutôt que de la vie.
Ce soir-là, elle m'a parlé de Régis.
Il l'avait dragué, à la fin du boulot, à un moment où ils n'étaient plus que tous les deux.
Elle m'a dit que s'il recommençait, elle ne saurait pas résister.

Je suis resté incapable de prononcer une parole. Que lui dire ? Nous n'avions jamais parlé de fidélité. Simplement, nous avions un projet commun. Nous sommes des femmes et des hommes libres. Il ne m'est venu aucun reproche.
Simplement, un abime s'est ouvert et j'ai su ce jour-là que je marchais dans la vie sur une crête aérienne et que jamais il ne faudrait que j'ai le vertige.



2 commentaires:

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