La turlupine

Il est trop tard (Mon enfance est si loin...). Je n'écrirai pas à la clinique de ma naissance. La probabilité que ma mère s'en soit aperçu est très faible. Je ne parlerai pas à mes tantes. Elles sont trop âgées. Se souvenir ou tenter de le faire sur un tel sujet les troubleraient trop, je pense. J'ai vu à quel point l'une d'entre elle était perturbée quand je lui ai parlé de sa mère, de comment nous la percevions, de ce qu'elle avait pu me confier et qu'elle ne lui avait pas dit. Elle avait été choquée. Penser que je pouvais en savoir plus qu'elle qui avait été si liée. Pourtant on sait bien que les grands-parents se confient à leurs petits-enfants. Mais l'absence ne permet pas de combler les manques éventuels. Je ne ne leur parlerai donc pas de cela. Je peux me débrouiller autrement et il y a encore quelques autres choses que j'aimerais faire émerger délicatement avant qu'elles ne passent de l'autre côté.

Hier je n'avais aucune inspiration pour écrire. La journée fut professionnellement dense mais j'étais aussi happé par ce sujet qui m'étais revenu à l'occasion de cette fête. En relisant mon billet initial qui témoignait de mon sentiment à la lecture de Millénium 5, je notai le commentaire de Celeos qui évoquait les jumeaux-miroirs. Je n'avais pas pensé à faire une recherche. Il ne s'agit pas des jumeaux-miroirs. Ce que je ressens est qualifié de syndrome du jumeau disparu. Les chiffres sont troublants : "Jusqu’à la fin du premier trimestre de gestation, plus ou moins 15 % des grossesses seraient gémellaires alors que la naissance de jumeaux ne concerne qu’1 % des naissances environ. La mort d’un jumeau en début de grossesse est donc fréquente. Certains avancent des chiffres encore plus importants, de l’ordre de 20 ou 30 % de grossesses initialement gémellaires."   En fait la plupart du temps, la mère ne s'en rend pas compte. Un saignement léger et fugace et zou, le deuxième s'en est allé. Mais celui qui reste peut en garder la trace. Parfois même, il peut absorber physiquement un reste du jumeau, qu'on pourra retrouver dans son propre corps des années plus tard. Je lis des choses terribles.

Petite introspection sur les symptômes principaux. J'utilise la liste filtrée de Claire Grand, citée plus haut, car sinon elle est tellement longue qu'on pourrait sans doute se sentir tous concernés...

• Le sentiment de manque, d’incomplétude, avec le besoin de « retrouver » le jumeau perdu en vivant une relation exclusive : oui, depuis toujours et bien sûr cette quête du grand ami, cette douleur quand j'ai pu être rejeté. Je note aussi dans une autre liste le besoin de multiplier les partenaires. Sans commentaire.  
• La peur d’être abandonné et une hyper-sensibilité aux séparations et aux deuils : je coche évidemment, cela inclus l'obsession de la mort, qui m'a cependant quitté lorsque j'ai rejeté l'existence de Dieu, mais tourne toujours autour de moi, notamment sur le sujet du devenir de mon corps.
  
• La difficulté à se séparer de ses affaires (qui sont éventuellement achetées en double) : je ne vais pas jusqu'à acheter en double, sauf les caleçons, mais là c'est plutôt en triple voire plus, mais quoique j'ai souvent acheté deux chemises, n'arrivant pas à me décider sur l'une ou l'autre. Quant à la difficulté à se séparer de mes affaires... le problème est caractérisé mais je pensais avoir une simple nature de collectionneur. Et sinon, il y a la difficulté à accepter de voir des chaussettes seules. Je suis scotché. L’occurrence chaussette revient dans 15 de mes billets, 16 avec celui-ci, et j'ai déjà conté comment je fus agacé par la perte de l'une des plus belles chaussettes de ma vie, comment j'ai pu être lourd avec la responsable de cette perte a priori mineure.
  
• Un sentiment de culpabilité, l’auto-sabotage où l’on s’interdit de réussir : mon sentiment de manque de légitimité pourrait être lié aussi à cela ?
  
• Une tendance à être très sensible, silencieux, en retrait, à s’isoler et à se sentir incompris : tendance caractérisée pendant toute mon enfance et mon adolescence, moins prégnante aujourd'hui mais si quand même...
  
• Un rapport problématique avec la nourriture (anorexie ou boulimie) : pas d'anorexie, des boulimies passagères en situation de stress, mais dans tous les cas une relation complexe : la peur de grossir, le transit intestinal difficile, les aliments à éviter...
  
• Des difficultés à faire des choix : de moins en moins quand même...
  
• Des tendances à la dépression : quand même pas, pas plus d'un jour en tous cas, sauf après le jour de l'an où ça peut durer trois.

Je lis des possibilités exploratoires : hypnothérapie, chamanisme, approches des constellations familiales. J'avoue que je suis assez tenté par l'hypnose. mais j'ai très peur des charlatans. Je vais peut-être en parler plutôt à ma psy préférée... Une belle occasion de la revoir. J'y pensais depuis un moment.