Je lis le dossier de l'Obs. Ni fille, ni garçon. Il me trouble un peu. Il éveille des choses, quelques souvenirs complémentaires à cette évocation.
1. Plusieurs fois à l'école élémentaire, on me traita de fillette. C'était surtout les deux durs de l'école. Deux apprentis mauvais garçons. L'un issu d'une famille défavorisée dont les ainés étaient les voyous du quartier. L'autre, fils d'une femme seule, veuve, qui se rongeait les sangs avec ce garçon terrible. Il portait des bagues avec des têtes de mort. Il n'y avait pas beaucoup d'enfants comme ça. On comprenait qu'ils vivaient des choses difficiles et on ne leur en voulait pas de leur excès.
2. Je devins tête de turc de mes meilleurs camarades pour le temps d'un voyage scolaire. Ce fut beaucoup plus difficile que d'être traité par les "mauvais garçons". On m'affubla de termes désobligeants, dont un "titi, les couilles multicolores". Je ne comprenais pas bien l'allusion. Déjà, le terme de couilles m'était abstrait. Je ne connaissais pas les mots vulgaires pour les parties génitales. Ni même d'ailleurs les termes précis. Seulement zizi. Et bien sûr, le "petit oiseau" de la reine-mère, que je trouvais ridicule. "Attention, le petit-oiseau va sortir !", disait-elle pour nous signifier que nous avions oublié de boutonner la braguette. Multicolores aujourd’hui m'évoque l'arc-en-ciel. Un qualificatif prémonitoire.
3. A l’adolescence, je portais les cheveux très longs, sur un visage fin. Souvent, dans les commerces, on m'appelait mademoiselle. Ça me faisait plutôt sourire, surtout quand je voyais l'expression qui se dessinait sur la personne s'apercevant de sa bévue. Mon meilleur ami avait la même coupe de cheveux. Quand on nous disait "bonjour messieurs dames", il souriait et me glissait "la dame c'est pour toi". Il avait déjà une belle moustache.
4. Dans les soirées privées, nous avions pris l'habitude, avec quelques copains, de nous faire les yeux. Nous passions dans la salle de bains de notre hôte, en général il y avait toujours quelques crayons noirs de sa mère. Un trait sur les bords ciliaires nous donnait un regard troublant. Les filles étaient amusées, les autres gars étaient un peu gênés ou moqueurs. Mon meilleur ami avait lancé ça. Il était assez déluré et sa moustache, à l'époque, le protégeait des quolibets. Il y avait encore une vision dominante de la tapette efféminée.
5. Je ne suis justement fait traiter de tapette parce que je croisais souvent les jambes. Je ne faisais pas de rapprochement. Il me semblait que les hommes aussi se les croisaient. Certes ma mère le faisait, mais pas mon père.
6. Mon père me dégoutait physiquement. Le pire était cette vision sur la porte des toilettes grande ouverte, le bruit du jet puissant qui s'échappait de son .... petit-oiseau ?
7. Au lycée, j'étais devenu assez populaire. Ceux qui auraient voulu me traiter se méfiait de la réaction des autres qui auraient pu me défendre. Je commençais aussi à prendre de la gueule avec un certain sens de la répartie cinglante. Mais je percevais bien leurs sous-entendus ou des sourires qui en disaient longs sur ce qu'ils pensaient de moi.
8. Bien plus tard une amie nous avoua qu'avec nos profils androgynes, nombreux étaient ceux qui doutaient de notre sexualité. J'inclus ici mon meilleur ami à la belle moustache. Je me rends compte aujourd'hui que je n'étais sans doute pas binaire et que j'aurais pu aller avec des filles comme avec des garçons.
9. Finalement, qu'est-ce qui déplaisait tant à mon père dans cette coupe longue. Le caractère non-conventionnel, l'héritage des yéyés qu'il avait exécrés, ou autre chose. Je n'ai jamais su ce que mes parents pensaient de l'homosexualité. En pensaient-ils quelque chose seulement, l'avait-il rencontrée à une époque où on ne parlait que des folles ?
10. Cette photo à la une me trouble donc. Je repense à l'adolescent que je fus, à l'image que j'ai pu donner à une époque de non-dits. Il me reste quelques photos d'identités avec cette belle chevelure et ces yeux soulignés de noir.
La communauté sportive est aussi dans l'expectative ; et il fut un temps où comme pseudo je choisissais "Hermaphrodite" car bisexuel insiste trop de ce qui se passe sous la ceinture, alors que c'est dans le cerveau et l'imaginaire que la fusion des genres est probablement la plus déroutante (envoutante ), qui sait
RépondreSupprimerPour moi hermaphrodite reste très sexuel, je ne peux m’empêcher d'y voir deux escargots copulant dans les deux sens :)
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