samedi 16 février 2019

Le garçon qui... (8) au coin du feu

www.williamhiggins.comLe temps a filé à nouveau. On ne s’est pas revu de longtemps. On ne s’est plus parlé non plus. Il avait eu à nouveau des phrases définitives sur ma situation. J’ai coupé court une nouvelle fois. Je savais désormais que de toute façon il reviendrait. Et il l'a fait pour me dire qu’il quittait le pays. Enfin notre région qui est un pays. On n’a pu se revoir avant. Est-ce qu’il avait déjà un copain ou est-ce venu après ? Je ne sais plus. Il était parti dans une belle ville où je ne fus qu’une seule fois. Il y avait donc peu de chance que je puisse y aller bien qu’il soit prêt à m’y accueillir. Il est revenu l’été dernier pour les vacances avant de repartir dans une autre ville où j’allais autrefois de temps à autre mais ce temps est révolu. De toute manière, là c’est sûr il avait un copain, dans la ville où je vais souvent, et donc une faible probabilité à s’y voir tous les deux. Sa vision de la fidélité.
Il naviguait entre les points cardinaux comme j’ai pu le faire à une époque. Il semblait un peu apaisé vis-à-vis de moi s'il revenait parfois sur ce qu'il appelait un manque de courage à sortir du placard.
Aux dernières fêtes, il était là pour un peu plus longtemps. Une contrainte de santé à traiter avant de repartir. Il voulait me voir. J'en avais envie également nourrissant quelque espoir de retrouver ses bras. Il m'avait prévenu qu'il avait rompu. Il voulait me voir, mais pour quoi faire ? Il m'avait lancé sa phrase enfantine. Et se voir où ? Ses parents étaient souvent là. Il m'avait donné un créneau. Je n'étais pas disponible. J'aurais certes pu m'échapper mais je me mettais dans le rouge. L'avait-il senti ? Il me pressait et ne comprenait pas que je n'arrive pas à profiter de ce temps. Il avait commencé à me parler de Thomas Andrieu. Pour lui, son histoire était la mienne : je devais absolument lire Arrête avec tes mensonges de Philippe Besson. Il n'en disait pas plus. J'avais une vague idée du début du roman. J'avais pensé l’acheter à sa sortie puis j'avais dû oublier. Ou je n'avais pas osé.
A la question, j'avais répondu on fera l'amour. Il n'avait pas dit non. Mais ses parents ne s'absentaient plus. Il repartait le dimanche. Le temps ne se prêtait pas à se retrouver dans le bois. Il m'en avait reparlé. Tu te souviens de nous dans le bois ? C’était son souvenir marquant. Il avait oublié la première fois chez lui.  Je ravivai son souvenir. Ah oui, c'est vrai, tu en avais mis partout.
Il avait pensé me provoquer en suggérant de venir chez moi. En réalité, avec lui j'étais prêt à le faire. Une possibilité s'était ouverte. Il fut étonné. Il était libre. La veille, il me dit cependant qu'il s'était remis avec son mec. Mais je serai content de te voir.
Nous étions devant la cheminée comme de vieux amis. Le feu crépitait. Il savait désormais où et comment je vivais. Il avait découvert cela seulement à demi-étonné. Rien ne correspondait à son envie de fuir ces terres ancestrales avec trop d'entre-soi depuis qu'on est sorti du ventre de la mère et que les fées grimaçantes se sont penchées sur le berceau. Celles qui te jettent le sort d'accepter sans faillir de reproduire les vieux schémas moraux et fonctionnels. Il me parla de ses amis d'enfance qui faisaient construire à deux pas des parents avec une compagne sortie du village voisin, des discussions creuses sur une vie quotidienne pauvre, rythmée par le travail et un reste d'activité sportive. Les premiers enfants qui arrivaient déjà. Il voulait vivre en ville et voyager. On parla de son nouveau travail. Une passion sereine l'animait.
Il avait un peu forci me semblait-il. Je ne lui dis pas car il est comme moi très sensible au regard physique, avec cette envie de maitriser son corps, qui sera dure à gérer avec son hérédité. Mais il tiendra je pense car c'est un garçon qui sait où il va.
J'étais apaisé de le voir ainsi avec moi. Il me reparla encore de Thomas Andrieu mais sans aucune aigreur. Je l'achetai et le lus dans la quinzaine qui suivit. Plus tard, je lui conseillerai de regarder Sur la route de Madison. une autre façon de voir la fidélité et les mensonges.
Le soleil nous enveloppa dans la cour lorsque nous nous embrassâmes sur les joues avant son départ. Je refermai le portail avec une certaine émotion.
Aucun message rageur ne suivit.
On reparlerait plus tard des mensonges, quand je l'aurai lu.

dans le bois
un autre billet peut-être plus tard
  

2 commentaires:

  1. j'espère qu'il s'agissait d'un bel âtre ...

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    Réponses
    1. Une très belle cheminée qui n’a besoin d’aucun artifice pour paraître à son avantage, Joseph. Vous seriez impressionné !

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