jeudi 29 février 2024

La phrase

Je n'avais jamais écrit un 29 février. Je sais bien que cette phase peut paraître assez débile mais je suis sensible à des petites choses comme celle-ci que je peux noter dans mon livre secret sans qu'on me regarde bizarrement ou que j'entende comme un jour dans mon enfance s'échapper une phrase du style "quand je pense qu'on le dit si intelligent" parce que j'avais fait un commentaire incongru pour le commun des adultes. J'avais été cependant un peu rassuré car les autres enfants semblaient m'avoir compris. Par contre, la phrase m'est restée comme un révélateur qui se passait dans ma tête quelque chose d'inhabituel ou à tout le moins de différent pour mon cercle familial et qu'il se chuchotait des choses. La parole des enfants étais si cantonnée que je n'en avait rien dit ni osé questionner ma père ou mon mère. La phrase s'est posée par là comme cette pierre sur mon bureau qui m'accompagne depuis des années, que je regarde de temps en temps et qui par moment me livre des flots de souvenirs de où et comment je l'ai extraite de la roche, de qui m'accompagnait ce jour-là, du soleil qui faisait, des fleurs qui poussaient sous les chênes noirs. J'ai mis des années à comprendre cette phrase, trop pour que je puisse comprendre qui m'avait transmis cette sorte de pierre bizarre autour de laquelle s'était construite ma vie.

Je n'avais jamais écrit un 29 février. Je n'étais pas du tout parti pour écrire ceci, pour parler de ça. Une autre idée m'était venue. Ce n'est sans doute pas anodin si c'est soudain monté comme une sorte de sève, en ce dernier jour si rare de février, ce mois dont les dates s'égrainent en chapelet de souvenirs, après avoir tourné la dernière page d'un roman qui m'avait ému aux larmes car d'une certaine manière il libérait la charge émotionnelle accumulée depuis des générations.

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