Interrégime #6 sans queue ni tête

La petite grippe qui monte, qui monte, qui monte... Non je ne vais pas plaisanter avec ça, juste une espèce de clin d’œil de mauvais goût à ceux qui n'ont toujours pas percuté sur la différence avec la grippe saisonnière. Les chiffres parlent désormais d'eux-mêmes.
Est-ce qu'on va rester confinés tout le reste de notre vie, me demande-t-on ? Ça dépend de notre espérance ma douce. Pour certains, une forme de fin de vie sans le savoir, en pleine forme et puis soudain, couché sur le ventre en réanimation, intubé, le souffle court, infiniment seul.

Le rôdeur est peut-être déjà passé. Dans ce cas, c'est fait je suis immunisé, ça fait plus de vingt jours. Qui sait ? En attendant, nous continuons les mesures de prise de distance, un soignant à la maison c'est compliqué, on n'arrête pas de se laver les mains. En même temps, je me suis toujours beaucoup lavé les mains, un passé de rongeur d'ongles, ça marque, il t'en reste toujours une hypersensibilité sur l’odeur de tes doigts.
Le confinement stimule des ardeurs. On constate le renouveau de certains blogs ou l’apparition d'autres. comment celui de Laurent Roux, avec une puissante charge érotique. Je devrais peut-être dire décharge. En tout cas c'est plaisant et bien écrit.
Je pose un long moment mon regard sur la poutre au dessus du lit. Une belle poutre qui date au moins du XVIII^e siècle. Elle a dû en voir des charges et décharges érotiques celle-ci. Au XX^e, elle était masquée par un lambris dont je l'ai dégagée il y a peu. Elle ne pouvait qu'entendre. Je divague souvent en la regardant. Elle est marbrée de variations de teintes plus ou moins sombres. J'y vois beaucoup de formes qui prennent vie. Notamment des visages masculins. Par exemple, celui de ce héros lunaire adolescent de bande dessinée au pull à rayures, aide-moi, je n'arrive pas à me souvenir de son nom. Ce matin, je repère des contours complètement inédit, par exemple, une Vénus de Milo dont le sexe tendrait vers l'Origine du Monde, plus haut, un caniche clair parfaitement toiletté, un gros visage d'homme et un masque du pays Dogon. Et puis plus bas, sous l'ado lunaire, Henri III et sa barbe pointue. Comment ne l'avais-je pas repéré encore, cette figure de mon enfance qui m'a donné le goût... du bilboquet..
Je réalise d'où me vient cette envie de barbe pointue ! J'essaie. Je suis en plein désordre capillaire comme beaucoup. Mes cheveux sont dans la période où il ne ressemblent plus à rien, il faudrait quinze bons jours pour passer ce cap que je ne tiens plus jamais. Mais là, avec le confinement, pas de coiffeur. Je m'en fous, je suis capable de prendre la tondeuse ou les ciseaux et de tailler, je ne m'en sortirai pas trop mal. Mais là, j'ai envie de barbe et de crane rasé, l'occasion idéale de tenter le désastre. Je façonne ma barbe un peu tous les jours. Putain, je veux Henri III, pas Napoléon le petit ! Bon raté, mauvais point de mémoire, en cherchant une image, je m'aperçois que ce n'est pas tout à fait Henri III non plus.
C'est dur.
On va rester confinés toute la vie ?