Il m'attendait dans la voiture

Je suis sorti tard du boulot. La nuit commençait à tomber. Je suis arrivé devant ma voiture, sur le côté droit. A tribord si tu préfères ou si tu n'es pas mieux latéralisé que moi. J'ai eu un mouvement de recul. Il était assis sur le siège du conducteur. Tout s'est passé très vite.
Il y avait quelqu'un dans la voiture. Un mec assez grand, mince, au visage carré, cheveux courts. Plaqué contre le siège. Il regardait droit devant lui.

J'ai reculé et observé incrédule. Comment était-il entré ?
Soudain, la vision s'est dissipée. Je n'ai plus vu que le siège noir et l'appui-tête.
J'ai pensé à la poutre au dessus de mon lit. Cette poutre que je contemple souvent et sur laquelle je laisse mon esprit divaguer. J'ai toujours fait cela depuis l'enfance. Mon regard fixe une surface et je laisse filer. La surface s'anime. Des objets et des personnes apparaissent. Disparaissent aussi. Les formes se recombinent pour en révéler d'autres.
Un temps, j'eus une tapisserie dans ma chambre de gamin, formée de motifs abstraits, des lignes noires qui s’élargissaient en frites de couleurs vives. Je suivais ces lignes, comme un égarement dans un labyrinthe. Quand j'étais malade, ces parcours me donnaient la nausée. Quand mes parents retapissèrent, je choisis des grandes fleurs jaunes et oranges, un motif terriblement kitch et régulier, qui ne dégageait rien et au moins ne me retournait pas l'estomac.
Sur la poutre, je voyais parfois des animaux. Depuis quelques temps, je ne vois plus que des visages d'hommes. Dont ce blond qui me rappelle François du Club des cinq. Je ne te dirai pas que j'ai aperçu Julien Sorel sur ma poutre. Les autres visages me sont inconnus.
J'ai ouvert la voiture et j'ai pris la place du garçon sombre.
Il n'y avait ni empreinte ni tiédeur sur le siège.
Je suis rentré chez moi, troublé par cette curieuse rencontre.

PS : tu vois quoi sur l'image ?