dimanche 25 novembre 2018

Sortir du brouillard

J’ai expliqué pourquoi j’avais pris cette décision Pendant mes explications j’ai vu son regard. Il était étonné. Elle m’a demandé : qu’est-ce que tu as comme formation ? Ça m’a désarçonné. Comment lui expliquer. Mon raisonnement n’avait rien à voir avec ma formation. J’ai commencé néanmoins à lui répondre et j’ai réalisé qu’il n’y avait pas de lien. Je lui ai alors demandé alors pourquoi elle me posait cette question.
J’ai commencé ce billet il y a quelques semaines. C’est le trou noir. Je me souviens très bien de ce moment sur un plan émotionnel. Mais pour le moment, j’ai oublié totalement le contexte : quelle décision, avec qui je parlais. Cela peut paraître inquiétant mais on ne peut pas se souvenir de tout*. Et ce sont bien les émotions qui laissent des traces. Le sujet a d’autant moins d’importance que je ne vais pas donner les détails ici.
Ce qui m’a troublé c’est l’expression aussi directe d’une perception sur moi-même et la représentation associée. Si je pensais telle chose c’est que j’avais été formé pour. Comment la formation agit sur nous et à quoi sommes-nous perméables ? La formation n’arrive jamais sur un terrain neutre, même dès les premiers instants. Et de plus, il y a les autodidactes, qui sont un vrai mystère pour les tenants de la formation reine. Un mal français. Chez nous ce qui compte avant tout, c’est ton niveau d’études et non ce que tu es réellement et ce que tu sais faire. Il y a d’ailleurs la valorisation des acquis de l’expérience pour bénéficier d’équivalences reconnues et entrer dans cette hiérarchie des valeurs. Sortant de ma coquille pour prendre des responsabilités, longtemps j’ai pensé que j’avais des choses à prouver pour compenser mon petit niveau bac+x, on pourra sourire, que d’aucuns considéraient insuffisant pour le métier que j’exerce. J’ai croisé beaucoup de gens dont le niveau de formation devait être un sésame pour accéder à des emplois et rémunérations élevées alors qu’ils présentaient des déficits réels de compétences. Mais ils avaient le diplôme. D’autres qui ont une valeur remarquable mais ressentent le déficit de formation comme un facteur de blocage alors qu’ils ont sans conteste le niveau de compréhension largement suffisant pour mobiliser sans difficultés d’autres compétences que celles pour lesquelles ils sont censés avoir été formés. Les premiers ressentent un manque de reconnaissance insupportable, les seconds peuvent vivre leur métier comme une souffrance tant qu’ils n’ont pas atteint j’estime de soi inddispensable.
Il m’a fallu des années pour acquérir le recul nécessaire et par voie de conséquence annexe libérer mon cerveau primitif** des pressions qui conduisaient certaines de mes journées à la limite du supportable. Ce fut bien trop long, je mesure ce que j’aurais gagné à être moi-même plus tôt, pour moi, pour ma relation aux autres et pour ce qui m’aura passionné dans la vie. Je sais que je n’aurai pas de deuxième chance pour en profiter pleinement alors je voudrais prendre le temps de mettre mes affaires en ordre et pour le restant de mes jours être enfin un homme libre comme ceux de mes ancêtres qui ont pu vivre simplement du ménage de leur bien si tant est que la période leur offrait la paix et que leur terre n’était pas dévastée par les humeurs de ce monde. Mais j’ai bien peur cependant de connaître des heures sombres tant l’Humanité me semble bien loin de la plus belle définition de ce mot.

*à la fin d’écriture de ce billet, j’ai recouvré la mémoire...
** je parle ici bien sûr du système digestif. L’homme descend du singe, de l’arbre mais aussi du ver.

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