L'église se détachait sur la crête sur fond bleu. Sur le parvis, il n'y avait pas foule. C'est la rançon de vivre vieux quand c'est toi qui a accompagné les autres. Je distinguais quelques têtes. Certaines restaient reconnaissables malgré le poids des ans. Je me souvenais de quelques hommes alignés le long de la rue pendant l'orage, décuvant le surplus de vin. La noce avait été arrosée.
Un demi-siècle avait dû passer et je les voyais toujours avec ce regard de gamin. Quand à eux, ils m'avaient bien tous oublié. J'avais erré dans le village et scruté cette campagne que j'avais tant parcourue, quasiment transparent. Je n'étais pas un gosse d'ici, juste le frère d'un qui était venu gendre. Ça m'était resté pour toujours. Le frère de. C'était une fierté pour moi. Plus tard, quand il était parti, c'était devenu ma honte. Ils disaient pourtant le prénom. Le mien ne suffisait pas. Je l'ai dit, je n'étais quasiment rien pour personne ici, même si plus tard je suis devenu quelqu'un dans le cercle resserré. J'ai posé une question à un vieux dans la rue. Il a voulu savoir qui j'étais, quel nom, quelle maison. A quoi bon. J'ai juste évoqué un lien avec celle qu'on accompagnait aujourd'hui.
J'ai dit bonjour à une personne qui comptait pour moi, mon prénom ne lui disait pas, même le lien n'a servi à rien, son esprit était à moitié parti. Vous verrez, m'a-t-elle dit, c'est terrible de venir vieux. Autrefois elle me tutoyait et on avait eu une vraie complicité. C'est ainsi.
Les derniers sont arrivés, les cloches sonnaient, c'était le moment de tourner la page. La dernière d'un grand livre, avec ses chapitres contrastés, mais de bien beaux moments. Mon enfance s'enfuyait encore une fois. Ça n'en finit pas, on y est condamné.
dimanche 23 février 2020
2 commentaires:
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Et puis on se détache aussi parce que la vie se rattache ensuite à d'autres êtres. On s'inventé de nouveaux souvenirs de l'enfance.
RépondreSupprimerLa résilience...
SupprimerOn se focalise sur plutôt que s’inventer...