Ce film d'animation m'a profondément ému. C'est Tto qui nous le donne à voir dans :cu(lt) #262 de ce samedi. Deux jeunes voyageurs sont arrêtés dans leur périple par un énorme précipice et décident de construire un pont pour le traverser. Une bien belle et terrible histoire...
Le truc c'est que ce précipice c'est exactement celui qui me hante depuis mes 10 ans. Le même, je te dis, le piton en plus. Tu me diras, des précipices faramineux de ce type, j'en ai déjà vu plein, en vrai, en photo ou en images comme ceux de Bip bip et le coyote. Mais ils n'ont jamais produit le même effet. Sans doute est-ce le passage étroit en face.
Et autre chose.
Tout de suite j'ai pensé à ce cauchemar apparu lors d'une forte fièvre de maladie infantile alors que j'étais au cours moyen.
Cette année là, j'avais ma première véritable épreuve scolaire. Un concours organisé par la Ville auquel chaque école présentait les meilleurs élèves des cm2.
Cette année là, le voyage de fin d'année devait nous mener loin pendant 3 jours, c'était la première fois que j'allais quitter, non mes parents, mais un cadre familial.
Le précipice était face à moi et je devais le traverser. Il fallait juste oser s'engager : on pouvait le faire sans crainte, en sustentation, sauf si une autre personne s'engageait de l'autre côté en même temps. La chute était alors irrémédiable. Ce cauchemar réapparaissait à chaque fièvre. Je pouvais aussi le revoir par simple angoisse nocturne. Je suis toujours resté au bord.
Cette année là, j'ai raté l'épreuve. la fièvre m'avait anéanti. Je n'avais pu réviser suffisamment. Mais le maître n'était pas plus étonné que cela de mon échec. Je crois qu'il pensait que mes résultats courants étaient acquis trop facilement et manquaient d'un travail de fond.
Cette année là, Émile m'a offert sa première lâcheté envers moi lors du voyage scolaire. Trois jours loin de chez nous, avec toutes les classes de cm2 de la ville, dans une mixité inhabituelle (ce fut sans doute l'une des dernières grandes villes à la mettre en place dans les écoles élémentaires). J'étais alors affublé d'un détail congénital qui ne n'avait jamais posé de problème. Face aux filles, ce détail fut monté en épingle, je servis de repoussoir à trois de mes camarades. Émile était de ceux-là et ne fut pas le dernier à se moquer. Ce fut un supplice. Au retour, je demandais à mes parents de me faire opérer. Ce qu'ils refusèrent. Comment cette marque de fabrique, que mes ancêtres avait portée sans en être indisposés, si ce n'est avec fierté, pouvait me poser un problème durable ?
Je reviens au précipice. Aux deux amis du film qui se soutiennent et vont trouver comment le franchir. A tous les deux, ils n'ont peur de rien. C'est l'une des leçons de cette histoire, quelle qu'en soit la fin...
Le détail dont j'ai parlé plus haut, je l'ai caché au mieux pendant toute mon adolescence puis je l'ai fait corriger moi même à l'âge adulte. Ce fut un soulagement de voir disparaître ce qui fut l'une des causes de mon basculement dans une grande solitude affective. Mais il était trop tard pour rattraper certaines choses et me voir autrement. Il faudra encore beaucoup de temps, de compréhension et d'appuis.
Comprends-tu pourquoi ce film m'a ému et aussi me libère ?
Je crois que je vais pouvoir oublier mon précipice, ou plutôt y penser différemment.
Merci ami Tto.
Le Gouffre (février 2015) est le premier court métrage d'animation produit et réalisé par Lightning Boy Studio, une jeune équipe basée à Montréal.
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