La fin de nos études communes approchait. Tout avait commencé trois années auparavant dans cette ville de l'est de la France, très dépaysante après mes horizons montagneux. Hugo m'avait sympathisé très vite. Je le dis ainsi car il était particulièrement déroutant par son allant, son franc-parler et certaines attitudes qui pouvaient passer pour un manque d'éducation. Culturellement nous étions en apparence à mille lieux l'un de l'autre, nous en étions parfaitement conscient et notre amitié en a étonné plus d'un. Évidemment on pensera à l'adage populaire. Le temps qui passe continue de nous montrer comment nous pouvons être si proche malgré cette distance qui nous sépare et que nous avons cœur à éliminer au moins une fois par an.
Le dernier jour s'achevait par une soutenance de projet pour le trio que j'avais constitué avec deux autres camarades. Hugo n'en était pas. Il était ce jour là en spectateur alors que nous avions fait tant de choses en binôme. Comme nous étions assez populaires et que le sujet était intéressant, une bonne partie de la promo était présente. La fin de ce travail de deux mois avait été harassante. Le sujet était plus difficile que nous ne l'avions pensé. Il y avait une chausse-trape et nous étions tombé dedans bien que nous ne voulions le voir. Je sais trop aujourd'hui combien nous nous étions plantés pour en avoir fait la trame de mon métier. Planter est excessif, nous étions resté d'un classicisme banal et n'avions pas su tirer la substantifique moelle des personnes que nous avions entretenues pour nourrir notre analyse de points de vues des meilleurs spécialiste.
Les échanges avec les deux professeurs référents s'étaient mal passés. Il y en avait eu deux ou trois. Il se trouvait que l'une d'elles était bienveillante et l'autre non. J'avais un problème particulier avec cette dernière que je ne savais décrypter. Je crois que j'étais intuitivement réservé sur ses compétences et la place qu'elle voulait prendre dans cette école. Je pense qu'elle n'appréciait pas ma personnalité et que je la mettais mal à l'aise. J'ai souvent suscité des sentiments très contradictoires. Elle avait posé la chausse-trape, à son corps défendant car je ne suis pas certain qu'elle comprenait grand chose au sujet, contrairement à notre bienveillante, et n'était pas capable de nous aiguiller pour qu'on en sorte.
Nous avions fait une espèce de mise en scène dont je ne me souviens pas du détail. Il s'agissait de créer une interaction avec l'assistance. Nous avions mobilisé quelques étudiants pour cela. Globalement cela s'était plutôt bien passé. Mais la tension était palpable, je le crois bien. Il y eût une question a priori anodine mais bien gênante par rapport à ce que nous avions mal traité, nous y répondîmes de manière bateau, c'est là que je sentis soudain à quel point nous nous étions fourvoyés, même si cela n'apparut pas. J'en pris un sentiment de honte interne qui m'acheva. La soutenance se terminait par les avis de nos référentes qui furent à l'opposé dans leurs déclarations. La maichante femme nous assassina littéralement au point de scandaliser l'assistance. La bienveillante nous sauva du naufrage. Je sortais épuisé de l'exercice. Un peu plus tard, je mangeais avec mes deux associés au restaurant. Je pleurais pendant tout le repas. J'évacuais bien plus que la séance, une nouvelle page se tournait dans ma vie, j'allais enfin gagner de nouveaux horizons. Il me faudrait des années attendre pour comprendre ce qui se passait en moi mais il allait falloir que j'apprenne à me protéger.
Avant d'aller manger je remontai à nos chambres avec Hugo qui essayait de me remonter le moral, tant j'étais défait. Dans l'ascenseur où nous n'étions pas seuls, alors que les premières larmes commençaient à couler, il eût cette expression qui me laissa sans voix, avec cette jovialité qui le caractérisait : " bon, ben tu vas baisser ton pantalon et après une petite pipe ça va aller mieux". J'aurais peut-être dû me laisser faire.
"les souvenirs et les regrets aussi... !"
RépondreSupprimerNon, je n'ai pas de regrets même si j'exprime parfois une nostalgie... Je m'interroge plutôt sur les aiguillages de la vie.
SupprimerMais les aiguillages relèvent d'une causalité totalement improbable, voire d'un déterminisme fort, pas d'une braguette de pantalon.
RépondreSupprimerCertes Celeos, mais il est des chemins qui justement peuvent passer par une braguette de pantalon...
SupprimerEt puis la braguette ou plutôt ce qu'elle cache n'est parfois qu'un prétexte pour exprimer d'autres choses qu'une giclée d'humeur...
M'enfin !
Moi, en ce moment, ca me ferait du bien qu' un copain me fasse une telle proposition !
RépondreSupprimerPlus jeune, je pense que j aurais réagi comme toi Estef. Apres , aiguillage et déterminisme ? Mon déterminisme social m interdisait de tels comportements, jusqu a ce que je me rende compte que...
Disons que dans l'ascenseur, il y avait aussi sa copine :)
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