samedi 13 juin 2015

3 ans aussi, après que l'homme rond soit parti

L'homme rond a ajouté amusez-vous bien !
Il est parti. Minuit passé.
La nuit était assez claire, nous avons bien distingués nos visages et il n'y eu aucune équivoque. Nous étions déjà très proche, il a suffit d'un mouvement imperceptible pour nous étreindre. Il ne savait pas embrasser.
Ses baisers étaient de secs bécots qui font craindre à tout moment la collision dentaire. Mais il y avait dans ce mouvement une sorte d’ingénuité sympathique.
Pas mal de voitures tournaient ce soir là. Nous n'allions pas rester sur le parking en pleine vue. Nous avons rejoint la plantation à l'endroit même où j'avais rebondi contre la clôture en voulant m'éloigner de l'homme rond plus d'une heure avant.
Je suis parti à la découverte de son corps. Nous étions face à face, debout sur le sol souple de mousses et d'aiguilles de pins. Quelques minutes plus tard nos tee-shirts étaient accrochés dans les mailles du grillage, pantalons et caleçons avaient glissés sur nos mollets. Le jeu était devenu très sensuel.
Au début il se laissait plutôt faire. Puis il a commencé à jouer aussi. Parfois des voitures passaient et nous apparaissions entre la lumière des phares et l'ombre des troncs épais.
J'ai vite compris quels exercices entretenaient son corps sec et musclé. A son cou, il y avait une fine trace olfactive que je connaissais bien. Cette odeur que l'on respire dans la grange des vaches, celle-là même que dégagent à dix pas quelques vieux du village quand ils entrent dans la salle municipale pour les élections. Nous étions en rase campagne et j'imaginais aisément ce jeune agriculteur torse nu soulevant les bottes de foin d'une fourche à deux dents pour les poser sur la remorque du tracteur. Une activité qui fait un torse dessiné et de beaux bras pour peu qu'on ne passe pas ses samedis à écluser des bières dans les fêtes locales.
Il m'a suivi dans toutes mes caresses, reproduisant sur moi ce que je lui prodiguais avec délectation.  Nous avons ainsi trouvé le plaisir à tour de rôle, de nos bouches et de nos mains. J'avais juste évité sa vallée profonde après une première approche où j'avais senti une humidité intrigante. Je ne comprendrais que bien plus tard, une autre fois où je retrouverais l'homme rond en ces lieux.

Nous étions maintenant assis de part et d'autre d'une table de pique-nique. Je fumais une cigarette. Il me regardait. Il m'a dit qu'il avait aimé la sensualité de nos échanges et que pour une fois il ne s'était pas senti passif. Il en était étonné. Mais il avait peu d'expérience. Dans ce coin de campagne isolée, personne ne savait son homosexualité. Il devait avoir autour de 35 ans. Une famille rurale. Un beau-frère homophobe. La vie quotidienne d'un gay dans la France profonde. Alors il venait de temps en temps ici. Le plus souvent il se faisait prendre par des mecs pressés et sans chaleur humaine. Ce soir était un moment rare, il m'avait trouvé différent des autres. Je lui ai parlé de moi. La nuit avançait. Je l'ai embrassé encore. Je me souviens d'avoir passé ma main pour caresser son torse légèrement poilu.
Il fallait rentrer maintenant. Ma voiture était tout à côté, il m'a raccompagné, au dernier moment j'ai voulu l'embrasser et il m'a lancé un de ses bécots. J'ai souri. Non, pas comme ça. Et j'ai pris ses lèvres et sa bouche, nos langues se sont emmêlées une dernière fois.

On s'est promis de se revoir mais on n'a pensé échanger un mél ou un numéro de téléphone. Ou on n'a pas osé. On a cru qu'on se retrouverai facilement. Je suis revenu souvent la nuit. J'ai revu l'homme rond deux fois. A chaque fois, on a parlé de lui. Ça l'amusait que je sois en quête. C'est comme ça que j'ai su que ce soir là l'homme rond venait de le défoncer.

Je sais où je pourrais croiser Patric, au grand jour, dans un marché par là. Je n'ai jamais eu le temps. Ou osé. Pourtant, j'ai aussi trouvé ce moment rare, sans doute un des meilleurs que j'ai passé sur un bord d'autoroute.




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