dimanche 2 novembre 2014

Exorcisme

Je n'avais rien prémédité, au contraire je ne voulais pas faire cela, et puis ça s'est passé ainsi. Avec l'âge, j'essaie de tracer une route plus droite.
Je rentrais au pays pour les chrysanthèmes. J'avais combiné un trajet avec mon site favori en la matière dont je ne ferai pas la publicité ici. Une possibilité de revoir Romain était apparue.
Romain, c'est l'homme avec lequel j'ai échangé près de 1000 mails, j'en parlais il y a quelques posts. Il vient d'ailleurs commenter ici de temps en temps...
Romain, je sais que tu me lis en cet instant, pardonne-moi si tu découvres des choses surprenantes dont je ne t'ai pas parlé sur l'oreiller, mais tout ça n'était pas suffisamment clair et dicible. Je ne voulais pas non plus que cette dimension vienne perturber ce temps particulier.
Je dis l'homme, le mot vient comme ça plus que gars ou mec. Sans doute parce qu'il mériterait la majuscule. C'est une espèce d'homme dans laquelle je me retrouve.
Au départ, je pensais que je verrais Steve, non pas Steve du T. de ma série sur l'os de Dionysos, mais Steve de l'été. Steve était en vacances ailleurs et la retrouvaille de Romain était devenue une évidence.
Je pouvais faire un crochet par chez lui mais ce pouvait être imprudent pour sa vie de famille de couple hétéro, compliqué aussi pour les trajets, une route plus droite  disais-je. Alors, il m'a chargé sur une aire de sortie d'autoroute et m'a ramené dans la maison familiale.
C'est la première fois que j'amenais un homme dans un chez moi, mais un chez moi très spécial que cette maison abhorrée chargée de mauvais souvenirs d'enfance.
Pendant le trajet, j'avais déjà envie de le toucher, mais je ne l'ai pas fait. Nous étions en train d'évacuer des pesanteurs de nos vies, il fallait laisser passer.
Le parc entouré de ses hauts murs était sombre. La maison se dessinait dans la nuit. Nous sommes entrés dans cette ambiance aux odeurs de renfermé.
Il faisait froid.
Nous nous sommes serrés l'un contre l'autre une première fois.
Quand même, a-t-il dit.
Nous sommes allé enclencher la chaudière et je lui ai fait visité la maison.
Dans les chambres où nous n'avons fait que passer, toute la famille en portraits aux murs et sur les cheminées nous regardait. J'ai fait quelques présentations, il a trouvé que je ressemblais à mon père sur sa photo de mariage. On ne m'avait jamais dit ça, pas sur cette photo.
Je voyais la maison différemment, pire que d'habitude. C'était totalement incongru d'être là avec lui dans un décor d'un autre âge. Il me manquait un petit salon avec un canapé, une table basse sur laquelle nous aurions posé le repas. Un décor contemporain et non cet ensemble vieillot.
Nous avons mangé dans la cuisine, en discutant toujours.
Je le voyais différemment lui aussi.
La première fois que je l'avais rencontré, il y a deux ans je crois, il m'a fait une curieuse impression. Je voyais dans son visage des traits d'une autre personne, un oncle disparu il y a quelques années. Je m'étais alors attaché à sa voix et à cette proximité de pensées et de vies.
Là je pouvais l'observer à loisir, je le trouvais plus jeune et plus beau que ce qu'il m'était resté. Son front haut et son regard aigu. Les ressemblances s'étaient effacées et je voyais plus que Romain.
J'avais choisi la chambre de mon enfance pour dormir. Cette chambre où je veille à ne plus dormir. Le décor avait changé mais les lieux anciens restaient imprimés dans ma mémoire. Les deux lits, le petit, dans l'ange du mur extérieur. Avec son dessus de lit en scène de chasse imitation tapisserie néo-romantique. Le vieux matelas à ressorts explosés dont chaque bosse a imprimé une trace sur mon corps. Je crois que je pourrais encore en reconstituer la topographie. Le descente de lit sur le vieux parquet avec le pôt de chambre, pour ne pas réveiller la nuit. Les grasses matinées obligatoires car les enfants doivent bien dormir, alors que j'étais toujours réveillé aux aurores. Les siestes noires. Cette chambre était un concentré de cette époque sous la baguette de la reine-mère.
Romain était là.
Je n'avais plus de tensions en moi.
Nous avons fait le lit avec des draps fleuris.
Et puis notre nuit. Je n'en dirai pas plus, je préfère laisser parler Romain.
Cette soirée et nuit d'hier m'ont fait beaucoup de bien. J'étais un peu sur un nuage aujourd'hui, arrivant à me concentrer sur mon boulot, mes échéances, mes obligations. Çà m'a fait du bien de parler avec toi de choses intimes, ou moins intimes, des blogs que nous lisons, des moments de ta famille, des photos, de voir une partie de ton environnement et de la confiance que tu me fais en m'y laissant entrer.
J'aime aussi ton corps, bien proportionné, ta bite à ressort qui a du tonus, ta bouche, ta langue furtive, tes cheveux blancs ou grisonnants, ton sourire des plus charmeurs, ton regard malicieux et tendre, tes fesses que j'aurais dû mieux apprivoiser et prendre.
J'ai aimé te sentir dans ton sommeil, dans mon sommeil, sentir ce corps brulant, qui ne s'est pas décollé un instant du mien.
J'ai aimé le café au lit, les petits biscuits, même avec des miettes sur les draps.
Tu m'as apaisé.
Je crois avoir besoin plus souvent de moments de ce type. 

C'était la première fois qu'il passait la nuit avec un homme
A l'heure du laitier, il est parti.
Il était resté son parfum dans la chambre. J'ai ouvert la fenêtre pour aérer et effacer les traces. J'ai vu s'envoler de vieux souvenirs. J'étais plus léger désormais.
La journée des chrysanthèmes pouvait commencer.


4 commentaires:

  1. Tu es bien sûr pardonné. Rien de très surprenant dans ta belle prose (t'as une très belle plume, je te l'ai dit souvent), des précisions plutôt sur tes ressentis, qui montre que tu es un Homme de qualité!
    Que dire de plus? mes mots déjà transmis suffisent!
    J'espère en tous les cas pouvoir reprendre le café au lit avec toi, j'adore!(et d'autres choses aussi!)

    Romain

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    1. Tu me fais sacrément rougir, à la prochaine donc !

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  2. Je suis jaloux ou plutôt envieux de ce qu'on devine à la lecture de ces moments tant dans le "billet" que dans le commentaire et suis heureux pour vous de ce que vous semblez avoir partagé ! :-)

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    1. Ben alors Kigounet, tu dois en avoir aussi plein de souvenirs qui nous feraient envie, allez raconte !

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