jeudi 6 mars 2014

Mon prince Valentin

Les bords des eaux, où les corps se dénudent, sont propices aux révélations.
J'étais alors jeune pubère inconscient de certaines choses. Je venais de comprendre à peine quelles étaient ces humeurs qui s'échappaient de moi vers la fin de la nuit. Je n'avais même pas su trouver le plaisir de les faire jaillir plus tôt...

Le prince s'avançait dans la nuit entre les arbres, attiré par le bruit de l'eau. Le jeune homme s'élançait nu dans le lac. Je crois bien que ce fut le premier homme que je voyais ainsi. Le prince était sorti du bois et interpellait son serviteur. Il était penaud, les mains sur son sexe. Ma respiration s'était tue. Mes parents devaient déjà somnoler dans leur fauteuil. Je ne sais plus si mon corps avait réagi mais mon esprit était en éveil, je venais de comprendre une chose profonde, à peine suggérée par ces images sombres. Pour ce jour là, je n'ai pas de souvenir précis de la séquence lascive quand le roi parcourt la salle où les couples d'hommes paraissent après l'amour. Peut-être était elle censurée dans cette première version télévisuelle.
Ce fut ma révélation. Ludwig m'a hanté souvent et malheureusement je dois dire, car le sujet était trop difficile pour cet homme pétri par la religion et sa responsabilité. Il le fut donc aussi pour moi.
Par la suite, l'affiche fut longtemps sur le mur de ma chambre. Je ne pense pas que grand monde ait compris ce qu'elle représentait au delà d'un film magnifique. Lucien, sans doute aurait compris s'il avait connu cette époque de ma vie.
Je réalisais bien plus tard, en écrivant ces lignes, que mon premier homme, sans avoir  le physique d'Helmut Berger, portait cette belle barbe brune et bouclée.

J'avais connu Valentin en stage de formation pour mon premier boulot. Nous avions sympathisé car nous étions pays, des mêmes villages cévenols. Des liens immédiats s'étaient créés quand nos origines s'étaient révélées. À cette époque, j'entrais dans le monde. A l'armée, j'avais couru après Steve. Mon regard s'était depuis sexué. En formation, je n'avais d'yeux que pour deux grands gars minces, un blond et un brun, toujours ensemble. Je voulais les avoir comme amis. J'appréciais Valentin mais je restais assez distant en public alors que nous passions déjà beaucoup de temps tous les deux. C'est lors d'un weekend chez lui, à un commentaire de sa mère, que je pris conscience de la force de son amitié. Je réalisais qu'il attendait peut être plus que ce que sa mère imaginait.
Nous avons fait beaucoup de kilomètres ensemble. Nous eûmes diverses occasions de partager la même chambre mais j'évitais que ce soit dans le même lit en particulier lorsque, pendant cette année de formation, je passais une semaine chez lui et réciproquement. Valentin était petit et râblé, un profil de rugbyman, et malgré notre amitié je n'imaginais pas franchir le pas avec lui, même si avec le temps cela finit par me paraître inexorable. Il y avait entre nous comme un aimant. Une nuit, nous étions arrivé très tard chez ses parents et il ne fut pas question de dormir ailleurs que dans son lit. La journée avait été très difficile pour moi pour des raisons professionnelles qui allaient conditionner mon existence. Je sombrais agité dans un sommeil cauchemardeux. Quand j'ai crié, Valentin m'a serré dans ses bras. J'ai aimé ce sentiment de protection que dégageait son étreinte. A demi éveillé je me suis laissé faire. Au matin nous n'étions plus enlacés. Nous n'avons rien dit. Pourtant, dès ce jour, je sus que je me donnerais à lui tôt ou tard.
Nous sommes partis passer une soirée dans la ville dont je ne savais pas encore qu'elle prendrait plus tard la couleur de Maurice. Nous échouâmes vers minuit sur une plage languedocienne. Valentin courrait nu vers la mer. Je n'avais pas quitté mon maillot afin de masquer une érection révélatrice. Dans l'appartement de ses amis, nous avions dormi dans le salon, moi sur le canapé, lui sur le tapis, juste à mes pieds. Le lendemain, nous remontions une vallée cévenole, pour une baignade en eaux fraiches, dans un environnement si naturiste que je craignais de m'exposer à la vue.
Puis nous avions regagné le petit bourg où il travaillait alors et où j'avais mes racines. Je me souviens très bien du petit appartement dont l'unique fenêtre donnait sur l'église Saint-Lucien au nom prédestiné pour moi. Nous étions assis sur le lit, peut être m'étais-je déjà allongé sur l'édredon rouge. L'instant d'après il s'est approché et nos lèvres se rejoignent. J'aime tout de suite la douceur de sa barbe. Puis nous sommes allongés et nous commençons à nous découvrir. Il se relève pour tirer les volets et revient. C'est lui qui guide nos ébats, simplement. Nous sommes autant l'un que l'autre à la découverte de l'homme, mais il est plus hardi. Il ose faire venir mon plaisir de sa main. Je m'aventure enfin plus vivement sur sa tige légèrement courbée, Ce fut très simple et doux ce soir là. Nous sommes allés nous doucher tous les deux, puis il ma ramené chez mes grands-parents. Dans la voiture, il a posé la main sur la mienne. Il m'a parlé à demi-mots. Il m'a dit que ça ne le gênait pas de se montrer avec un garçon. Je crois que je n'ai rien dit ou alors que je ne savais pas. Je ne sais plus. Il n'a pas su me dire plus ou me demander si...
J'étais perdu, La question n'était pas là. Est-ce que j'avais envie de faire ce chemin, même discrètement ? Pourquoi me demandait-il de nous afficher tout de suite, est-ce que c'était obligé ?
Je ne crois pas qu'on se soit embrassé avant que je ne descende de la voiture.
Nous nous sommes revu à l'automne dans mon nouveau chez moi. Valentin a dormi au salon. Je dormais chastement avec l'ami avec lequel je passais alors tous mes weekends de néoparisien. J'ai pensé me glisser dans le salon mais je ne l'ai pas fait.
A cette époque, j'avais déjà rencontré la femme de ma vie. Les débuts avaient été tumultueux. Notre relation était en suspens.
Je n'ai pas choisi Valentin, nous n'avons jamais reparlé de notre aventure.
Nous sommes restés amis, nos vies se croisant régulièrement en famille puis de moins en moins. Aujourd'hui nous sommes juste amis sur facebook.
De Valentin, il m'est longtemps resté l'empreinte de son joli sexe courbé dans ma main.

2 commentaires:

  1. **Ludwig: quelle version de l'affiche avais-tu? il y en a plusieurs. C'est vrai que ce sont des codes à déchiffrer, que seuls les "initiés" saisissent.
    **J'ai moi aussi mon Valentin. Mon premier. Nous sommes toujours en contact. MAis nous n'en avons jamais reparlé. Je suis ami avec sa femme sur FAcebook, mais pas avec lui. J'aime bien ces histoires: très intense, avec quelquepart un parfum d'inachevé. Mais sans doute pas de suite possible dans la lignée de ce qui acommencé, car comment retrouver la magie de ces moments. Mais qui sait?

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    1. **J'ai ajouté l’image de l'affiche.
      **On ne sait jamais ce qui peut rester possible. Je me suis toujours demandé si sa femme savait. Un jour elle nous a laissé tous les deux, il aurait pu se passer quelque chose si je lui avais ouvert les bras... enfin je crois.

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