mardi 30 mai 2017

Je n'ai rien publié le 17 mai

J'étais trop occupé ces temps-ci. Et le 17 mai, c'est pour moi la journée internationale du souvenir de Maurice. Chaque année depuis la fin de notre histoire, je lui envoie un texto à cette date. Il ne répond pas. Il a peut-être bloqué mon numéro. Je sais que le sien n'a pas changé. J'ai le moyen de savoir. Son souvenir s'est un peu dissipé : depuis quelques mois je ne pense plus à lui tous les jours.
Je ne sais pas ce que j'aurais publié le 17 mai si je l'avais fait, je n'avais pensé à rien de particulier, raconter une histoire en phase avec le sujet, rappeler ou soutenir une cause dramatique en la matière... Me revenaient quelques scènes où j'ai été confronté moi-même au sujet.
Je ne sais plus si j'ai déjà parlé de la fois où je me suis fait bousculer en sortant d'un sauna gay parisien, je n'arrivais pas à lire les horaires du noctilien à l’arrêt de bus situé juste à côté de la porte du repaire homo, j'avais demandé de l'aide aux deux gars qui attendaient. J'avais dû faire répéter la réponse. Un des deux, énervé, m'avait lancé très agressivement "ça rend sourd !". Flairant l'embrouille, j'avais aussitôt décidé de partir à pied. Le gus avait pris son élan et m'avait brutalement poussé dans le dos. L'autre l'avait calmé.
Mais c'est surtout Jonathan et Bertrand qui se sont rappelés à moi et reviennent en boucle depuis. Je crois l'avoir déjà évoqué brièvement. L'anecdote se passe en cours à la suite d'autres petits épisodes dont je ne me souviens plus. Jonathan se retourne vers ma table, Bertrand le bade comme toujours et ricane quand Jon laisse échapper "on dirait un pédé" en regardant mes jambes croisées sous la table. Un petit détail de vie quotidienne d'un collégien mais qui multiplié donne un florilège. Pédé était une sorte d'abstraction pour moi à l'époque. Qu'est-ce qui pouvait bien me faire identifier à ce concept ?
Jon était un sacré beau gosse, blond, mince et finement musclé, un corps de nageur et pour cause, assez macho mais sans plus quand même, il ne s'imposait pas spécialement devant les filles mais en gym il avait très souvent la main dans le short, flattant sa virilité et évoquant les poils qui démangent. Bertrand était un grand garçon sportif, gentil mais un peu suiviste, je l'aimais bien mais son ricanement a rompu toute empathie. Ils ne m'ont jamais persécuté, mon statut de bon élève et mes relations avec quelques garçons et filles populaires* me préservaient, ainsi que ma capacité à laisser glisser les paroles désagréables. Peut-être aussi le fait que ma mère travaillait avec le père de Jon. Elle s'imaginait d'ailleurs que nous étions copains, je me gardais de l'en dissuader.
A la fin de l'année, un photo de groupe à l'occasion d'une sortie de classe avait bien fait rigoler tout le monde. Hasard de la prise de vue, bien que Jonathan et moi ne discutions pas dans le même groupe, nos visages apparaissent réunis dans une pose qui suggère un baiser. Jon avait moyennement apprécié, j'avais connu une certaine jubilation intérieure.
L'année suivante nous étions en seconde, Jon et moi dans la même classe. Jonathan, très concentré sur une relation amoureuse, vit sa popularité décroitre alors que je commençais à exister. Cela changea notre relation même si nous ne devînmes jamais véritablement amis. Pendant l'été, Bertrand avait été emporté devant chez lui par un chauffard alors qu'il descendait la rue en mobylette. J'avais hésité à aller à son enterrement mais je ne m'étais pas senti à ma place. J'ai souvent songé à ces fils qui se rompent.


* au sujet des filles et garçons populaires, je suggère la lecture des cahiers d'Esther, de Riad Sattouf, chaque semaine dans l'Obs


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