Le tourbillon de ma vie

Pourquoi ces souvenirs me reviennent-ils ce matin alors que je suis sous la douche, le corps tout engourdi de mes nuits au sommeil fragile ? Nous avions formé un trio avec mon meilleur ami et elle, pendant quelques mois avant que la vie ne brûle nos vingt ans. J'avais une copine trop jeune qui ne sortait pas le soir. Notre trio se faisait deux à trois cinés par semaine.
Elle était blonde comme les blés et faisait rêver ma mère d'une belle-fille de mon âge. On ne lui connaissait pas de petit ami. On a bien dû faire jaser tous les trois. Je l'idéalisais ; l'imaginer dans mes bras était une chose abstraite. Pourtant, un jour je franchis cette ligne au delà de laquelle on pense que plus rien ne sera jamais comme avant. Je les avais ramenés dans la nuit. J'avais déposé notre ami en premier. Devant le portail de cette femme idéale, assis dans ma voiture, j'avais coupé le moteur, nous discutions encore du film. Soudain, je lui ai avoué mes émois. Elle était franche et rieuse. Elle n'y avait pas pensé un seul instant. Ne me faisais-je pas des idées ? Étais-je vraiment amoureux ? Non, j'étais vraiment un bon ami et, même, elle ne m'imaginait pas faire l'amour.
Je pris ces mots comme une vérité vraie. La révélation d'une virginité peut-être éternelle. Ma flamme avait vacillé. Je repartais soulagé de n'être pas passé à l'acte. Étais-je à l'amour physique ?
Notre trio continua ses sorties nocturnes avant que je ne parte au service militaire. Plus tard, j'ai su quel type d'homme elle aimait. J'en souris encore. Elle lui avait raconté mes aveux. Au début où nous nous voyions, je crois que je représentais un certain danger pour lui. Mais ce danger n'était plus ce qu'il pensait. Non, si à cette époque j'avais regardé la réalité en en face, c'est lui que j'aurais croqué à pleine bouche.