lundi 27 janvier 2014

Le regard des papas

Je suis allé courir comme prévu. Tranquillement, un peu sur les bords de rivière puis dans le bourg proche. J'ai traversé le parc où je jouais gamin. Un œil en passant sur le coin des rencontres.
J'avais croisé un gars cet été mais il ne m'avait pas paru très net. Personne aujourd'hui. Puis je suis passé en ville. Il n'y avait pas grand monde, la saison n'est pas très touristique et il fait froid. J'étais bien dans mon trot léger, avec le temps d'observer le paysage, ce qui a changé, les derniers travaux, le château restauré, enfin ce qu'il en reste. Je n'ai pas eu si souvent l'occasion de respirer ces lieux en hiver. Je rejoins une allée promenade, bondée en été mais désertée sauf par un jeune couple qui avance doucement main dans la main. Je pense aux premiers pas à deux, ceux où l'on se découvre à petits mots. Avec pudeur souvent, trop. Ils ne savent sans doute pas que ce qui ne sera pas dit ne pourra plus l'être. Ou qu'il leur coûtera. Qu'il ne faut pas minimiser l'importance de telle ou telle chose.
Lui me regarde. Si longuement que ça m'étonne. Nos regards s'accrochent. Qu'a-t'il vu en moi en cet instant. Juste un joggeur ? Mes jambes nues dans le froid ? L'envie de courir ? A-t-il pensé à ce qu'il ne ferait plus, à ce qu'il avait déjà abandonné dans l'enthousiasme de sa nouvelle vie ? Elle n'a pas vu son œillade. 
Je traverse le parc encore. Je me rapproche des jeux pour enfants, j'ai envie de voir les papas. Ils sont plusieurs avec leurs bambins. L'un d'eux me regarde avec un sourire et me suit un instant. Il est à croquer. C'est beau un sourire de jeune papa. Avant de l'être moi-même j'avais adoré celui d'un voisin. J'étais fasciné par sa blondeur, sa stature athlétique et la tendresse qu'il donnait à sa fille. Mais j'étais incapable de lui parler, d'aligner des mots qui fassent des phrases compréhensibles. Au delà de bonjour et bonsoir, je bredouillais. Un jour il nous avait invité à l'apéro. Deux jeunes couples autour de la table basse. Ce fut pour moi un supplice. Je fus ridicule devant les efforts de chacun pour me tirer quelques phrases sensées. Je ne regrette pas. J'aurais pu me dire... Mais j'ai eu à mon tour le beau sourire des papas. Une si belle chose.
En continuant ma course, j'ai pensé à ce jeune papa. Son air de regarder passer la vie tout en guidant avec délicatesse les pas de son petit garçon.

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