mercredi 27 novembre 2019

Quelques notes du passé (1)

Des amis récents n’avaient invité à un loto de la cellule locale du Parti communiste français. C’était des pays qui m’avait pris en affection, moi le jeune migrant du Sud dans cette banlieue dont le nom se prononçait encore en nombre à deux chiffres. Je n’étais jamais allé autant au Nord et si loin dans mon approche du Parti.
Au lycée, une amie avait bien essayé de me faire militer aux jeunesses communistes. J’avais craqué dans une manifestation. Pour me débarrasser d’une jeune militante mandatée pour me faire basculer, j’avais pris l’adhésion. Dans la semaine, débarquait à mon domicile un homme à l’allure sinistre qui me portait un paquet de journaux à vendre. J’avais refusé net. C’est ma mère qui avait ouvert la porte. Elle s’était inquiétée. J’avais sorti un bobard. Il n’était pas question que je milite. Le centralisme démocratique n’était pas mon truc. Quand on discutait avec mon amie, j’avais découvert l’absence de liberté de pensée. J’étais naturellement girondin, elle me bassinait avec son jacobinisme de base et ses considérations. Par exemple, je ne pouvais pas penser cela ou ceci parce que, par exemple, elle disait que c’était radical-socialiste. Je n’avais alors aucune idée de la pensée rad-soc. Simplement par essence même, j’étais girondin. Je n’avais même pas conscience d’où ça sortait. Il allait falloir être peu plus convaincant. Ainsi fut bouclé en trois mois mon passage au PC, enfin au MJC. Je n’ai jamais depuis adhéré à un quelconque mouvement politique. Tu penses dont je suis, très peu pour moi.
Bref on m’avait pris en affection, ils étaient communistes, c’était leur problème et pas le mien, et ils étaient contents que je vienne au loto de la cellule. J’ai toujours eu une horreur des lotos. Avec mes parents, on en faisait 3 ou 4 par ans. Ceux des associations dont ils étaient membres ou sympathisants. Passer une soirée avec ma sœur Thérèse ou le papi, toutes ces blagues éculées que la salle pouvait reprendre en cœur. Si tu n’est jamais allé à un loto, tu dois mal imaginer. Une salle alors enfumée malgré une profusion de gosses, les petits tas de grains de maïs - c’était le Sud-ouest -, des lots improbables - heureusement je ne gagnais jamais...
J’y étais allé pour leur faire plaisir mais il y avait aussi une certaine curiosité pour mieux connaître ce milieu.
Le secrétaire de cellule était appelé Momo. Je l’avais déjà rencontré chez nos amis communs. Ce n’était pas Momo pour Maurice mais pour Mohammed. Un gars adorable qui faisait le maximum pour son intégration sociale. Seulement c’était l’arabe de service. Il avait bon dos. Je découvrais concrètement le racisme ordinaire, le racisme « sympathique » qui glisse sur les bonnes blagues. Je n’y avais pas été directement confronté. C’était une époque où on pouvait grandir dans l’abstraction totale. Dans les lieux où j’ai grandi il n’y avait ni arabes ni noirs. Il y avait seulement des juifs. Mon père n’admettait aucune ostracisation raciale. Il y avait bien un oncle qui pestait contre des « bicots » improbables et bien sûr les pieds-noirs, que nous n’aimions pas parce que justement ils étaient racistes. Mais ça restait au niveau du discours, car les maghrébins étaient rares. Un de mes grands-pères s’était occupé de réfugiés pendant l’occupation. Pour nous il était clair qu’on n’abandonnait pas son pays par plaisir. Nous-même avions quitté le pays taiseux par nécessité mais plus qu’une plaie ouverte c’était une parenthèse qu’on pensait un jour refermer. A cette époque là, nous étions aussi des migrants, on en trouve la trace dans les archives de l'INA* !

Décor planté, une suite un de ces jours (je vide mes brouillons). 

*revu un reportage la semaine dernière sur les "migrants" bretons dans la Creuse dans les années 1950.

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