vendredi 19 juin 2015

Comment j'ai atterri dans une auberge de jeunesse

Roger m'avait accroché sur fb. On jouait à se poker depuis quelques temps. Il a proposé de fêter notre passage à trois chiffres par une nuit entière ensemble. Pourquoi pas, il m'avait l'air sympathique.
Je le pensais marié. Il confirmait mais ce ne semblait pas un problème au premier abord. Je lui proposais ma prochaine disponibilité à Paris.
Nous avions tchatté un peu puis soudain plus aucune nouvelle. Pas même le moindre petit poke. J'ai espéré jusqu'au dernier moment un petit signe, allant jusqu'à penser à une surprise. Or cette semaine était pour le moins chargée à Paris intra muros. Il ne restait plus une seule chambre à moins de 150 € la nuit ! Pio m'aurait bien reçu avec plaisir mais chargé de famille ce soir là. Matthieu ne papillonne plus, ayant rencontré quelqu'un. Il ne me restait plus que deux solutions. La première était de passer la nuit au sun city. C'est une bonne optimisation du tarif d'entrée d'un sauna, pas mal utilisée par des provinciaux de passage. Il faut cependant veiller à prévoir des bouchons d'oreille, sinon c'est impossible de piquer un petit roupillon. Comme le sun ferme à 5 heures du matin, prévoir ensuite d'errer une heure environ avant qu'un bar ne t'ouvre ses portes. Je l'ai fait une fois, sans bouchon ; j'avais assez d'avance de sommeil pour tenir une journée de réunion sans ciller. Là je ne sentais pas cette option. C'est ainsi que j'ai réservé dans une auberge de jeunesse, au bord du canal Saint-Martin. Franchement, je n'ai pas eu à m'en plaindre, j'ai bien dormi.

En sortant de la gare du Nord, j'avais décidé de passer un moment au Key West, sauna un peu vieillot à deux pas de la gare. Je l'avais déjà pratiqué deux fois, mais assez tard, le lieu était quasi désert. J'y avais cependant trouvé quelques menus plaisirs des sens. En venant plus tôt, je comptais compenser mon trio raté avec Roger et son homme. La fréquentation ne fut pas à la hauteur de mes espoirs et l'endroit n'est pas vraiment terrible. Le seul gars à mon goût ne m'a pas paru accessible. Je retiendrai surtout cette longue douche pendant laquelle je matais un asiatique dans la cabine voisine. Les cabines sont ouvertes en fenêtres les unes sur les autres, et pour peu qu'on soit suffisamment grand, on a une vue plongeante sur le bas ventre des deux voisins. J'étais en mode exhib, tournant et retournant sur le jet d'eau chaude. Mon voisin que j'avais croisé au sauna un peu plus tôt dans une posture très pudique, s'offrait à mon regard sans réserve. Je regardais son savonnage méthodique comprenant bien qu'il était sur le départ. Quand il est passé devant moi, il a serré mon bras gauche en souriant et me donnant une parole dans une langue exotique que j'ai trouvé amicale. Je pouvais alors repartir joyeux car mon envie des hommes peut se contenter de choses simples, d'émotions brèves mais tout aussi fortes qu'un jet d'humeur furtive.
Pour les autres contacts de la soirée, je confirmais que refuser une fellation sans protection suscite l'incompréhension et suggère que celui qui refuse est atteint de la pire vérole. Pourtant j'ai appris avec Will qu'on peut y prendre autant de plaisir. J'étais aussi entré dans une cabine où j'avais commencé à masser un gars avant de découvrir que son sexe était emprisonné dans un filet d'acier. Je ne sais  nommer un tel artifice. J'en fus refroidi au point d'abandonner l'affaire sans un mot et finalement de manière aussi mal élégante que lorsque mon suceur rebuté avait fui. Comment peut-on ainsi oublier toute éducation ?

Je regagnais l'auberge à pied par la rue la Fayette et le quai de Seine. L'ambiance était estivale, à la station balnéaire, entre terrasses animées, groupes assis au bord de l'eau et jeux de boules.
J'ai fini la soirée dans la salle de jeu de l'auberge à vouloir régler des questions d'arrondis dans un tableau comptable que je devais rendre le lendemain. Je maudissais cette jeune anglaise au rire terriblement cristallin qui explosait sur mes tympans. Elle passa du babyfoot au billard encore plus proche. En entrant dans la salle j'avais eu un échange de regards appuyés avec un jeune homme assis à un guéridon. Maintenant c'était un jeune rouquin qui me souriait quand je le regardais jouer de la canne. Il me rappelait un camarade de promo. Quand je suis parti me coucher, il m'a salué d'un bonsoir monsieur qui m'a surpris car le temps de ce souvenir j'avais repris mes trente ans. Ce monsieur m'avait soudain ramené à mon âge.


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