mercredi 18 septembre 2024

L'hiver vient

J-L. Gautreau / AFP

Le vieux fusil. Je ne suis pas fan de ces titres en jeux de mots allusions à des œuvres célèbres sans qu’il n’y ait aucun rapport. Mais j’avoue que celui-ci est particulièrement bon, conforté par Matoo (Premier sinistre) qui le juge digne d'une une de Libé. C'est Paul Gasnier, journaliste à Quotidien qui l'a utilisé pour rythmer sa chronique du jour de la nomination de Jean-Claude Killy Michel Barnier à Matignon (je les confonds toujours ces deux là). Mais au dernier moment, je me suis ravisé et j'ai changé le titre de ce billet. Après avoir lu un article dans l'Obs (« Parasites d’en haut », « parasites d’en bas » : pourquoi le RN gagne à chaque fois ?, voir quelques extraits plus bas) sur le dernier ouvrage du philosophe Michel Feher.

On peut bien gloser sur l'âge du nouveau capitaine, ce n'est pas tant ça qui pose problème dans l'absolu. Après tout Mélenchon a le même et Hollande, qui s'amuse à laisser planer le doute sur une nouvelle candidature dans 3 ans, aura alors 73 ans. L'âge de Barnier c'est ce qui lui permet d'afficher un tel parcours semé d'idées et d’actes réactionnaires. Et bien sûr le contraste avec ce président qui devait tout casser, rénover la vie politique et portait une promesse de rajeunissement.

On peut bien gloser aussi sur l’hypothèse d’un gouvernement du NFP. Là aussi ce n’est pas le problème d’une ingouvernabilité. Il est quand même paradoxal qu’un président qui nous a vanté les mérites de l’ordre et du réarmement ne suive pas l’ordre des choses de la constitution, laquelle nous montre encore une fois son adaptabilité y compris à un président qui ne suit pas l’ordre des choses. Pour moi, il fallait faire très vite le constat de l’impossibilité d’une coalition de front républicain, nommer une première ministre issue de la coalition majoritaire, même relative. Il aurait été temps ensuite en cas de censure de rechercher d’autres solutions. Mais surtout laisser la chambre faire. Quel est donc ce pays où l’on élit une chambre pour lui ôter tout pouvoir au profit d’un président qui a perdu toute légitimité politique et qui devrait prendre le mot exécutif au pied de la lettre ?

Ainsi donc notre premier ministre est placé, quoi qu’il en dise, sous la surveillance de l’extrême-droite. J’hésitais encore sur la qualification des électeurs de cette dernière. Sont-ce des fachos ? J’ai toujours eu la faiblesse de penser que non, tout du moins pas majoritairement. En gros, j’étais tenant du « fâchés pas fachos » d’autant que j’en côtoie dans mon entourage.

Julie Clarini a lu et analysé pour l'Obs, l'essai de Michel Feher "Producteurs et parasites. l'imaginaire si désirable du Rassemblement national". Elle souligne que des "analyses récentes, appuyées sur des enquêtes, notamment celles de Félicien Faury (« Des électeurs ordinaires », Seuil, 2024) ou de Benoît Coquard (« Ceux qui restent », La Découverte, 2019), sont venues tempérer ces excès d’empathie et lézarder ces images lénifiantes – parfois non dénuées de mépris de classe – en rappelant que les électeurs du RN ne sont ni plus ni moins « perdus » que les autres. Aussi troublant que cela puisse paraître, ils savent ce qu’ils font. Quand ils choisissent le RN, c’est bien pour la promesse qu’il porte. Car, oui, il y a une espérance à l’extrême droite. Les spécialistes décrivent assez simplement ce monde enchanté : une opposition entre les gens méritants, travailleurs, attachés à l’idée de norme, et ceux à qui ces qualités sont refusées : les assistés et les autres « profiteurs ». La société que les électeurs du RN appellent de leurs vœux serait souriante avec les premiers, et – plus encore – intraitable avec les seconds. La critique fonctionne en miroir : il y a ceux d’en bas, dont le « cassos » et l’immigré sont les parangons, et ceux d’en haut, rapidement assimilés à la finance « cosmopolite ». Au centre, le cœur battant constitué des « braves gens » qui ne demandent qu’une chose : ne pas passer après les autres."

Et finalement, on peut parler pour l'électeur du RN d'un "désir d’épuration" : "Fini le frontal « eux et nous », exploités contre possédants, qui structurait autrefois la conscience de classe. Le vote RN s’articule, dans une partie des milieux populaires, à une représentation triangulaire du monde social où l’on se convainc qu’à la pression exercée par les plus riches s’ajoute désormais celle venant d’en bas – d’encore plus bas."

Je te renvoie à l'article, ou au livre, pour l'analyse historique de Michel Feher sur cette "configuration en triangle" mais en gros "Le corps social devant jouir de sa saine et pleine intégrité, il faut procéder à la désignation puis l’élimination des « parasites ». La racialisation qui participe de la mise à distance fonctionne comme « une forme de surlignage de la frontière morale ». Le désir d’épuration est « concurremment éthique et ­ethnique », en somme."

Après avoir analysé la métaphore électorale de la cordée, suivie concrètement, après l'élection de 2017, d'une stratégie de  "drainage des électeurs de droite", Michel Feher "fait l’hypothèse que le macronisme trouvera, moyennant quelques « heurts », un terrain d’entente avec le lepénisme puisqu’il parle à présent la même langue. Nous aurions devant nous la bien connue et redoutée union des droites – qu’il désigne ironiquement comme « le rapprochement qui vient ».". 

J'avais commencé à écrire ce billet, il y a presque 15 jours, au moment ou d'aucuns saluaient la nouvelle adresse d'Emmanuel Macron nommant Michel Barnier à Matignon, tandis que d'autres s'insurgeaient et d'autres encore se frottaient les mains. Le temps passant, nous n'avons toujours pas de gouvernement et pour cause. 

Ces jours-ci, arpentant les bois à la recherche de savoureuses productions d'automne, je me demandais comment cet homme de 73 ans, dont l'âge et le riche passé devrait plutôt le faire tendre à la cueillette paisible des champignons, comment donc cet homme a pu relever un défi aussi, j'ose le mot, débile.

PS : avant de poster je vérifie, nous sommes le 18 septembre 2024, 15:36:35, toujours pas de gouvernement, je poste.

2 commentaires:

  1. Vraiment je suis pour l'interdiction de tenir un quelconque mandat électif au-delà de 70 ans. Allez cultiver votre jardin les gars, ou recyclez-vous dans l'associatif et le bénévolat.

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    1. Une autre piste : à partir de 70 ans (âge limite pour exercer une activité professionnelle), tout mandat politique devient bénévole, aucun frais forfaitaire de fonctionnement (tout doit être justifié au centime près comme dans une asso, avec des barèmes). Tu verras, ils seront moins vaillants pour se présenter ^^.

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