J'ai mal au système, le temps aléatoire m'y tape dessus par ses variations de pression atmosphérique à faire déprimer les vieux, même si je n'ai pas tout à fait l'âge.
RIP. Je trouve remarquable qu’on retienne surtout de Pierre Bellemare le téléachat et ses histoires extraordinaires. L’enfant que je fus se souvient surtout de la caméra invisible et plus encore du pot de terre contre le pot de fer. Une brève émission radiophonique sur Europe 1 où je découvris l’injustice qui frappait toujours les faibles, leur manque de moyen, et la force des puissants et de l’Administration. Pour moi qui jusqu’alors n’avait rêvé que de grandes épopées chevaleresques, Pierre Bellemare était un chevalier des temps modernes. Je fus profondément peiné quand il s’acoquina avec Maryse au service de la société de consommation. La statue de monsieur Pierre chuta alors de son piédestal. Je me demandai s’il n’avait eu jamais une quelconque empathie pour les gens.Zique. Il y avait longtemps que je n’étais allé à la fête de la musique. C’était agréable même si j’ai mis du temps d’entrer dans le jeu. C’est le problème d’une petite ville où tu connais du monde. La ville est dans la rue et tu salues tel ou tel autre. Tu vois passer des gamins et des têtes chenues. Tu vois des jeunes qui se dressent comme Artaban, des adultes qui grisonnent où se découvrent, les vieux qui se courbent.. la ronde de la vie comme dans cette publicité d’une banque. Donc j’arrive alors que 21 heures n’ont pas encore sonné et je me prends d’abord un gros coup de bourdon. Puis ça passe, je parviens à entrer dans le feu des discussions et quelques esquisses de danse, j’observe du coin de l’œil quelques beaux garçons dont celui-ci à l’air de Romain Duris et cet autre qui m’a tant dévisagé que j’ai pensé à un appel du pied. Le groupe est parti sur la fleur aux dents. Joe Dassin est mort en 1980, j'aurais cru plus tôt que ça, ma mémoire a dû confondre avec Mike Brant. Il y a les filles que l'on aime. J'ai tenté avec les gars. Ça marche. Quel groupe tenterait l’expérience ? Comment la foule suivrait ? Qui sait?
Prélude d’AVC. Comme William Rejault je déteste le dentiste. Mon nouveau praticien est adepte des longues séances. Je crois que je vais mourir étouffé à chaque fois. Mais non, l’assistante traque mes humeurs salivaires à la pompe. J’en réchappe toujours. Tous les deux parlent comme si je n’étais pas là. Je donne mon avis à la fin même si l’on ne m’a rien demandé, histoire de rappeler que derrière le patient - je pèse le mot - un homme attentif se cache. La derrière fois j’ai subi une anesthésie du côté droit. J’en suis reparti paralysé au point que j’ai dû annuler mes rendez-vous professionnels. J’ai pensé à mon père et ses six derniers mois quand sa parole et plus encore l’avaient quitté à jamais.
Médecines alternatives. Un jour j’imagine qu’on ne pourra plus me manipuler. Mes os seront devenus trop fragiles. Ma deuxième cervicale (C2 pour les intimes) restera définitivement bloquée. Je vivrai sous paracétamol pour soulager mes névralgies. On me proposera des infiltrations. Pour soulager mes mains, on voudra m’opérer du canal carpien. Penser à cocher, dans le formulaire de fin de vie, les cases non aux infiltrations et touche pas à mon canal carpien. Et merde à l’Académie de médecine et au Conseil de l’ordre. Rien que ce terme, Conseil de l’ordre, devrait faire réfléchir.
Brume. Je prends un café devant l’un des plus beaux points de vue de la région. Une belle vue. Sais-tu que beau ne veut pas dire joli ? Beau c’est grand, large, développé. J’ai dû déjà parler de la différence entre une belle femme et un joli garçon, une autre manière d’être inclusif même si ça te trouble. Il se lève tant de moiteur des terres chaudes qu’une épaisse brume masque mon bon ami Jean-Pierre qui stationne un peu plus loin.
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