lundi 23 janvier 2017

Désordres capillaires

Un billet récent de Tto sur sa couleur de cheveux a eu un drôle d'effet sur moi, déclenchant un rêve pas tout à fait saugrenu.
Je suis sensible aux questions capillaires depuis ce jour où une caractéristique de mon visage m'a fait devenir le repoussoir de mes camarades, y compris de mon ami le plus cher.
J'ai pris en horreur le passage mensuel sous la tondeuse d'un voisin. Je ne voulais plus qu'on touche à mes cheveux. Mon père pensa qu'il s'agissait d'imiter mon frère bien plus âgé qui en pinçait pour les yéyés. La longueur de sa chevelure était déjà devenue un sujet de querelle quasi-quotidienne. Un thème de discussion entre parents de leur génération. On s'offusquait en commun. Un tel racontait comme il avait coupé les cheveux de son fils pendant son sommeil.
Mon motif était autre mais je ne voulais pas avouer qu'il s'agissait de masquer ce que je prenais désormais comme une infirmité bien que légué par une bonne lignée d'ancêtres qui l'avait porté avec superbe. Ce détail ressortait de temps en autre sur un rejeton de sexe mâle de préférence. Parfois, une fille en était affublée mais il lui suffisait d'éviter le chignon pour le restant de ses jours.
Or mon père tenait à ma coupe en brosse.
Il aurait dû faire le rapprochement avec l'épisode de mauvaise camaraderie qui m'avait marqué puisque j'en avais parlé à la maison et demandé l'intervention d'un chirurgien pour faire disparaître l'héritage maudit. Mais il s'agissait d'une époque où l'on faisait bien peu de cas des desiderata d'un gamin de moins de 10 ans. Il avait lui-même échappé à la flétrissure mais je le soupçonne de n'avoir pas voulu renier ses deux grands-pères dont les portraits endimanchés trônaient dans la maison de famille. Pour lui, j'allais devenir grand et fort comme eux, et je saurais bien tenir la dragée haute à ceux qui oseraient plus tard se moquer de moi. Il se trompait radicalement puisque je resterais le plus petit de sa progéniture, à la voix tout aussi fluette que le corps maigrichon. Je ne tenais pas de son côté, chose difficile à accepter pour un père.
Nous allions nous opposer pendant de longues années et mes cheveux longs mettraient une ombre au tableau de ses fiertés sur le plus prodige de ses fils. Au collège, il arriva à me faire rabattre le poil au dessus des oreilles deux fois l'an. Mais à partir du lycée, je n'allais plus chez le coiffeur que pour faire tailler les pointes.
A la fin de l'adolescence, j'ai pris la décision de faire disparaitre l'infirmité. Je remarquais que mon père n'avait toujours pas compris ma position tant la question de l'apparence lui échappait. Il n'a jamais perçu que j'avais été touché au plus profond de moi. Même si aujourd'hui je ne suis pas choqué de voir le détail honni sur d'autres garçons, et je peux même trouver cela charmant, je n'ai pas regretté ce choix. Il m'a permis de vivre le cheveux court dans les circonstances obligatoires que les plus jeunes d'entre nous n'ont pas connu, évitant ainsi l'insupportable que certains de ma classe ont pu connaître, et aujourd'hui alors que ma si belle chevelure a perdu sa couleur châtain mêlé de roux, ses boucles, son épaisseur, toutes choses qui te résignent à couper...
J'allais oublié le rêve... J'ai commencé ce billet le matin même mais il m'en reste aujourd’hui peu de chose, j'aurais dû le consigner tout de suite. J'avais les cheveux bruns colorés en rouge sur quelques mèches épaisses. Très sérieusement, j'ai oublié le reste dont pourtant, je me souvenais au réveil il y a 10 jours ! C'est dire à quel point j'ai gagné en sérénité.





10 commentaires:

  1. en effet, ca a dû te marquer profondement, puisque dans aucun de tes billets relatifs à cette "infirmité", tu ne la nommes. (et tu n'es pas obligé de le faire...). Comme quoi, on n'est pas tous égaux devant les situations, et chacun réagit vraiment différemment. Et tu asiger "dame nature"! bien fait de corr

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  2. et tu as bien fait de corriger "Dame Nature"...

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  3. Mais qu'était-ce donc que cette "infirmité" ?...
    Etais-tu roux... comme j'aurais tellement aimé l'être moi-même ?...
    Ou avais-tu ces terribles oreilles décollées qui m'ont si longtemps fait porter de désagréables cheveux longs ?...
    (...mais je dois faire fausse route, puisqu'un chignon n'arrange rien dans ce cas...)
    Mais je suis heureux de te sentir apaisé et très content d'avoir découvert ton blog

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  4. Salut Philippe. C'est un peu le problème ou le charme de ce blog - c'est selon -, sur certaines choses très personnelles je ne suis jamais complètement explicite... Roux ? A être différent, je crois que j'aurais pu assumer cette couleur de cheveux, d'autant que quand ma barbe poussa, elle se révéla ainsi !
    Les oreilles ? Tu as lu à l'envers je crois pour la question du chignon...
    Ce pourrait être aussi un bec de lièvre, un nez busqué, une grosse tâche de naissance en plein milieu de la joue...
    Merci de ton message, mais ôte-moi d'un doute, on se connait ?

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    1. Bonjour Estèf...
      Est-ce qu'on se connaît ?... ça, je dois te dire que je n'en ai aucune idée.
      Disons, pour le moment, que je connais quelques hommes qui écrivent aussi bien que toi et me donnent envie de les lire.
      Et que cela ne me gêne pas du tout que tu ne sois pas plus explicite...
      Alors je reviendrai sans doute.

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    2. J'ai pensé un instant que tu aurais pu te reconnaître dans un des billets. C'est le mot "découvert" qui m'a fait gamberger car on pouvait le comprendre de diverses manières.
      Au plaisir d'être lu à nouveau...

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  5. J'avoue que ce mystérieux "défaut" m'a aussi intrigué, mais idem dans le charme de l'écriture cet absence passe très bien. :)

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    1. Merci Matoo, qui sait, je l'inscrirai peut-être dans une série de coming-out.... mais c'est étonnant de constater comment cette réticence à le dire traverse le temps, car ce n'est pas un effet de style et j'ai dit bien pire ici ^^

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