J'aurais pu n'arriver que le matin et faire un aller-retour depuis Orly, ne quittant les transports en commun que devant mon lieu de réunion.
Mais je voulais m'attarder dans ces quartiers qui me sont si familiers. J'avais prévu une soirée qui me permettait ce recueillement, ces quelques instants qui m'étaient devenus un besoin peut être dérisoire mais salutaire.
Mes affaires déposées à l'hôtel et après une bonne douche, j'ai gagné la place de la République. Tu imagines combien c'est émouvant, cette profusion de fleurs, de messages sous diverses formes, et toutes ces bougies avec quelques flammes vacillantes après la pluie. Les gens passent, s'arrêtent , certains sont venus exprès, ils lisent, leurs regards se perdent, ils rallument quelques bougies. J'étais de ceux-là ce soir, j'ai fait le tour du monument, j'ai eu du mal à m'en détacher.
La soirée fut étonnante, j'étais parti à la découverte d'un nouveau lieu, pour des sensations inédites, avec autant d'excitation que de crainte. Je la raconterai une autre fois. Au milieu de la nuit, j'étais lové contre un garçon agréable, après l'amour, contre toute attente initiale nous partagions un moment de tendresse rare. Le tenancier nous invita à quitter les lieux. Il fallait se rhabiller. Il fut plus rapide que moi. J'ai cru un instant qu'il m'attendrait, histoire de faire un bout de chemin ensemble. Il était déjà au coin de la rue. C'était ma direction. Quand j'atteignis le coin il traversait le boulevard Richard Lenoir, je hâtais le pas, ralenti par une grosse ampoule sur le talon gauche. J'ai vu qu'il tournait à gauche, je devais aller tout droit, mais tant pis, je tournai aussi. Il a disparu dans la distance. Les grilles mobiles le long de l'espace vert central était couvertes de fleurs. Je marchais encore jusque au carrefour du boulevard Voltaire. Je n'eus pas de doute sur la bâtisse sombre en face de moi, la densité de fleurs et de bougies s'était accrue. Je distinguais ensuite son nom. Un frisson m'a parcouru, j'ai rallumé quelques bougies à mes pieds.
Un peu plus tard j'étais à République, ma bougie s'était éteinte, j'en trouvais une autre. Je pensais à ces personnes dont j'ai égrainé les noms plusieurs fois dans les journaux.
Je pensais aussi à tous ces garçons que j'ai serré contre moi dans ces parages depuis quelques années, qui avaient peut être croisé ou trouvé la camarde dans ces lieux. Ces instants fugaces que nous avons vécu et qui nous laissent d'une manière ou d'une autre une trace amicale indélébile.
Très touchant ce texte. Merci.
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