samedi 30 décembre 2017

Glanes #28 lectures

Victor et Alexandre Caril. "Donne-moi la main", film de Pascal-Alex Vincent, musique de Colette Magny
Fin me manque. Je l'ai rencontré il y a un peu plus d'un an. Il débarquait dans ce coin paumé pour élucider un meurtre. Ce faisant il retrouvait un monde qu'il avait voulu oublier. Avec les mois qui sont passés, j'ai l'impression de l'avoir rencontré dans un pub de la ville. On s'y retrouvait régulièrement en soirée dès que j'avais un moment de libre. Je suivais la progression de son enquête. Je découvrais son passé. Je me suis attaché à lui. Mes journées filaient et je n'avais presque d'autre envie que celle de le retrouver.
Quand j'ai refermé le livre, je me suis reproché d'être allé trop vite, d'avoir abusé de mes capacités de lecture rapide, d'être passé peut-être sur des détails, d'avoir dévoré sa vie. Maintenant, j'aimerais savoir ce qu'il devient. Mais Peter May n'écrira pas un quatrième tome. Là aussi, comme avec Maurice qui ne répond plus à mes messages, il faudra faire avec.
Un jour j'irai en Écosse, il y a trop longtemps que j'en ai envie depuis ce séjour ancien sous les drapeaux, je ferai un saut aux Hébrides, je croiserai l'inspecteur Finlay MacLeod dans quelque lande à bruyères sous le vent.

J'avais tardé à lire les deux nouveaux tomes de Millénium écrits par un nouvel auteur. Je les ai trouvé très réussis. Le tome 5 m'a particulièrement touché. Il s'est produit un effet similaire à celui du rapport qu'on m'avait fait d'une conférence de la psychologue Jeanne Siaud-Fachin et de la lecture de l'adulte surdoué, trop intelligent pour être heureux. Je n'ai certes pas pleuré comme une Madeleine cette fois. Un déclic cependant sur l'histoire des jumeaux. A ce stade, si tu comptes encore te plonger dans Millénium 5, il vaut peut-être mieux que tu arrêtes de me lire. Je risque d'en dire trop.
Un déclic disais-je. Et une grande peur.
Soudain, comme l'explication d'un manque, une plongée brutale dans le passé, cette solitude, ce repli, l'impression qu'on ne m'a pas tout dit, alors parce qu'on avait parlé d'acheter les enfants dans un magasin, cette idée que j'avais été adopté avait germée, comme chez beaucoup de gamins, mais il y avait des choses louches, avec le temps je ressemblais trop à mes parents pour que ce soit possible, l'idée s'était estompée puis avait disparu, restait ce manque, cette envie, cette quête du frère. Certes j'en avais deux, mais si âgés et si prompt à se liguer contre moi. Brutalement ce sujet des jumeaux séparés faisait corps. J'aurais pu me faire des idées et monter une histoire. Sauf que je l'ai ressenti physiquement. Une sensation étonnante. Je ne pouvais passer ma journée à lire. Mon esprit en a été occupé sans cesse, jusqu'au soir pour quelques chapitres de plus. La peur suivit, celle de perdre Léo. Une peur terrible. Une journée de plus à attendre. Je suis rentré manger chez moi à midi. Je ne pouvais rester ainsi.
Quand j'ai fini le livre, je suis resté perplexe. Je revoyais la photo de ma mère à la maternité, assise sur le lit, heureuse avec cet enfant dans les bras. Moi. Je ne lisais rien d'autre que le bonheur.
J'ai pensé à cette fratrie. Lui était mon ami d'adolescence. Un beau jeune homme sûr de lui, tombeur invétéré. Son frère paraissait deux ou trois ans de moins, frêle, tourmenté. En réalité, ils étaient jumeaux mais dans le ventre mon ami avait pris l'essentiel. Dans certains cas, un seul nait vivant.
Le livret de famille de mes parents. Je n'avais pas besoin de le chercher. Je savais ce qui était écrit. Et j'ai suffisamment épluché les registres d'état civil du XIXe siècle pour savoir qu'on y trouve pléthore de mention d'enfants morts-né. Ça m'a toujours ému, ces mentions sans prénom. Arrête ta mytho.
Au bureau j'ai cependant commencé quelques recherches sur internet. J'ai poursuivi le soir. Le droit à l'inscription sur l'état-civil et le livret de famille des enfants sans vie est récent. 1993. Un frisson m'a parcouru. Comment savoir maintenant ? J'ai pensé à mes tantes. Je n'oserai pas aborder le sujet de front. J'irai à la clinique un de ces jours. Il doit bien avoir des archives. Ou sinon, revivre la naissance avec un shaman. Un copain a fait ça. J'ai prévu de lui en parler. La pression est retombée depuis mais j'y pense de temps à autre. C'est bizarre ce sentiment diffus d'un frère que j'aurais cherché toute ma vie.

Je suis sur Vernon Subutex, tome 1. La femme de ma vie n'est pas allée jusqu'au bout. Elle m'a dit,tu ne vas pas aimer. J'adore, c'est trash à souhait. A lire absolument si tu crois encore qu'on vit chez les bisounours. Mon milieu professionnel,  c'est un peu ça, beaucoup de gens qui se croit chez les bisounours alors que les requins et les sans foi ni loi sont là depuis longtemps. Ils occupent les postes clés. Notre monde est sordide.





Peter May, La Trilogie écossaise
L'Île des chasseurs d'oiseaux, Le Rouergue, 2009 (The Blackhouse, 2011)
L'Homme de Lewis, Le Rouergue, 2011 (The Lewis Man, 2012)
Le Braconnier du lac perdu, Le Rouergue, 2012 (The Chessmen, 2013)


David Lagercrantz, La Fille qui rendait coup pour coup, Millénium 5, Actes Sud,  2017, (Mannen som sökte sin skugga)

Virginie Despentes,Vernon Subutex, 1, Grasset, 2015.

Image et vidéo, Donne-moi la main, film de Pascal-Alex Vincent, 2009, musique de Colette Magny (Melocoton)


5 commentaires:

  1. Vernon Subutex est entamé depuis un moment. Je ne l'ai pas rouvert, bien qu'également hameçonné par le sujet de Virginie Despentes. J'étais passé à Profession du père de Sorj Chalendon qui m'avait paru plus urgent, fascinant.
    Le miroir gémellaire est une autre composante du roman familial. On ne le casse qu'en réussissant à voir son double en tout lieu, en toute forme.

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    1. Tu as des références sur le miroir gémellaire ? J’en serais curieux même si je crois avoir souvent trouvé ce double. Je reste sidéré de ce ressenti inédit.

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  2. Belle liste de lecture ! Je vais me plonger alors dans millenium ( mais il me manque le 4!). Despentes est aussi dans ma liste des livres en retard : oui, le monde n est pas celui des bisounours, il est dur et cruel. Mais parfois, cela fait du bien de croire à plus de douceurs . Sinon, comment tenir ?

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    1. Surtout, lis aussi Peter May.
      Cela fait du bien de croire... la chute n'en est que plus dure mais on peut passer à côté. Moi, je n'ai pas le choix...

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