samedi 25 mars 2017

Le décroissant one-shot

Il m'a capté un soir avant de m'endormir. Au réveil, il était encore là, très chaud. Sur la route, j'ai continué inconsciemment à répondre à ses textos avec la reconnaissance vocale, jusqu'à lui transmettre une interception d'Inter que j'écoutais en même temps. Je lui ai dit que ce serait plus prudent qu'on s'appelle, ce qu'il a fait.
J'ai abrégé ma présence au buffet qui concluait la réunion matinale. Après une séquence de présentation grandiloquente d'un projet hypothétique, je n'avais guère envie de me coltiner les pères porteurs imbus de cette hauteur de suffisance qui n'a d'égale que la profondeur du vide sidéral,  comme ces chaines de montagne qui bordent des fosses marines abyssales.
J'avais envie de la retrouver d'autant que c'était, selon son principe, maintenant ou jamais. Je ne suis pas l'homme d'ultimatums - je te fais grâce d'un pluriel en a -  mais je suis si curieux...
Vingt bonnes minutes plus tard j'étais devant sa porte à déchiffrer les six noms portés sur les sonnettes, quand soudain on m'interpella sur ma gauche. C'était lui. L'adresse était fausse, il habitait à deux pas. Une technique pour éviter les importuns. Je crois qu'il a senti un temps d'hésitation qu'il mit sur le compte de la surprise. En réalité, son visage ne m'avait pas charmé, mais là encore la curiosité a remis mes idées en place. Je l'ai suivi dans la rue suivante, puis dans un vieille maison réaménagée en petits appartements. Il louait là un studio, une grande pièce carrée diminuée d'une salle de bains étroite en vis-à-vis du recoin cuisine. Il faisait sombre, les murs étaient gris, il avait fumé et un léger nuage s'était dispersé dans la pièce aux volets à demi clos. Pour seuls meubles, un lit dans un angle, une table, un petit meuble à musique où des cd étaient soigneusement rangés. Comme il avait faim, il a très vite entamé un entre-pain rustique après m'avoir offert de m'asseoir. Il parlait tout en mangeant, me racontant sa vie minimaliste quant aux biens matériels et riche de talents de créateur dans la culture. Il ne s'est pas soucié de savoir si j'avais mangé. A aucun moment il ne m'a posé de questions sur moi-même. Jamais je n'ai cherché à ponctuer la conversation d'expérience personnelle. Intuitivement cela m'a semblé complètement incongru alors que je peux habituellement glisser des tranches de vie dans une rencontre partageuse. Je l'écoutais me contentant de quelques commentaires qui ne traduisaient justement que cette écoute. Petit à petit je finis par trouver le temps long. Je commençais à avoir faim de lui. Dans notre conversation téléphonique il m'avait demandé de lui consacrer un minimum de deux heures sans lesquelles une rencontre ne présentait aucun intérêt. Je n'avais guère plus à lui octroyer d'autant que j'allais voler ce temps à ma vie professionnelle très chargée, et je demandais si nous allions passer à d'autres découvertes que celle de son profil intellectuel, le physique me paraissant de plus en plus intéressant à dévoiler.
J'ai pu détourner enfin le flot de son verbe vers d'autres considérations. Il avait un corps magnifique, d'une peau brune de naissance à la douceur extrême, un corps joliment musclé par des exercices réguliers. Je me suis noyé dans l'étreinte. Son chibre - il voulait qu'on l'appelle ainsi - était somptueux, mais s'avéra manquer de tenue dans la durée. Après s'être caressés sous toutes les coutures, c'est moi qui finit par le prendre.
Il me permit de me doucher. Je me séchais avec un bout de serviette dont les bords avaient oublié toute trace d'un ourlet et m'a rappelé les pédas de la veuve noire, mais qu'importe le torchon pourvu qu'il nous éponge.
Nous nous sommes quittés ainsi. Il aurait voulu jouir, j'aurais aimé lui donner ce plaisir, mais sa vigueur s'en était allée tout comme l'horodateur avait fini sa course.

Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Et leurs baisers au loin les suivent.





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