lundi 5 septembre 2016

Où j'ai fini au sauna

Je ne sais pas ce qui m'a pris de poursuivre la conversation avec ce gars. Il m'avait contacté et c'est vraiment lui qui a insisté pour aller plus loin. Sans doute étais-je curieux de voir la conclusion. J'étais un peu désœuvré aussi. Je devais travailler tard et donc je n'avais rien prévu de particulier. Maintenant j'avais fini, plus tôt que je ne l'imaginais, et je me retrouvais un peu seul avec mes insomnies dans le petit studio sympa que j'avais trouvé sur Booking. Il aurait suffit pourtant que j'essaie de joindre Ben et on aurait enfin remis ça.
L'homme a insisté avec diverses considérations sur les contacts et les dials sur ce site. Je lui trouvais un visage fatigué mais il ne faut pas trop faire confiance aux photos, d'autant qu'il semblait avoir un corps bien conservé malgré un âge qui s'est révélé bien plus avancé que ce qu'il avait affiché. Il a voulu me parler au téléphone pour être sûr, avant de prendre  rendez-vous. Il me proposait de le rejoindre dans sa garçonnière. Un petit studio en ville où il s'isolait de temps en temps. Je comprenais qu'il ne voulait pas recevoir au vu et au su de ses proches voisins.
La voix était agréable, mais le discours laissait apparaître des circonvolutions cérébrales plus sinueuse que la moyenne. Je croyais comprendre qu'il ne voulait pas prendre le risque de se tromper. Il voulait être sûr qu'il pouvait correspondre à une attente réciproque. Ça devenait vraiment prise de tête. J'ai abrégé en lui proposant de venir et que nous verrions bien.
Son studio était sis dans une rue proche du centre ville que je connaissais bien pour l'avoir parcourue à maintes reprises depuis mon enfance. J'y connaissais de vieux hôtels particuliers. J'imaginais le retrouver dans l'un d'eux fractionné en appartements. Cette idée d'une chambre à moulures me plaisait bien. Mais j’arrivais à un immeuble très laid des années soixante coincé entre deux vieilles bâtisses. L'augure était sinistre.
Il était déjà torse nu quand il m'a ouvert. Effectivement un joli corps mince et travaillé, à la peau de pêche mais son visage aux orbites creuses était peu engageant. Or j'attache beaucoup d'importance au visage, bien plus qu'à la bite, même si ce n'est pas rédhibitoire. Le studio donnait une impression sordide, l'espace était très étroit et encombré, le lit était en vrac, le coin cuisine sombre et il n'avait rien à boire à part de l'eau de ville. Je me demandais dès lors combien de temps j'allais rester en ces lieux. Je m'étais assis sur le bord du lit, il restait vers l'entrée, appuyé contre une table capharnaüm.
Il est reparti sur ses préférences, sa manière de fonctionner, son âge et ce qu'il n'espérait plus, etc. je passe sur les détails. Moi, j'avais plutôt envie de toucher son ventre qui me semblait la plus belle chose de la partie. Il composa alors un couplet prosaïque sur le principe de réciprocité pour en arriver à me dire que s'il était torse nu... je devais faire pareil, tout m'en observant à distance. Tout cela manquait vraiment de poésie.
J'ai enlevé mon tee-shirt.
Il n'a pas aimé mon torse. Je n'étais pas assez musclé pour lui. Là je me dis que ces 3 kg qui m'avaient envahis récemment n'avaient pas joué en ma faveur mais sincèrement je me rhabillai sans regret. Il était parti dans une tirade explicative assez dérisoire, je le rassurai et quittai les lieux.
Je remontai la rue sans regretter vraiment cette nouvelle virée exploratoire de l'âme des hommes en goguette. D'aucuns gloseront sur cette insatiabilité qui me conduit aux pires situations mais je n'avais jamais touché de si près le cas de l'homme proche de la soixantaine qui souffre d'autant plus des années qu'il en arrive à ne plus savoir vivre des moments simples.
Quant à moi, si mon égo n'avait été que peu égratigné je réinscrivai à l'ordre des prochaines semaines le traitement urgent de ce dépassement pondéral qui ne manque pas de m'agacer pour diverses raisons.
Ma route passait à 50 mètres d'un des saunas où il m'arrive de passer la soirée. Je prenai sur la droite. Il restait encore deux heures avant la fermeture...





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