lundi 30 mai 2016

J'ai lu la fille de Brookling

Le dernier Musso. Si j'avoue. Je suis accro aux polars et aux séries policières, mais rassure-toi, je ne l'ai pas acheté, une amie bienveillante me l'a prêté. Cet auteur de scénarios populaires, je n'ose pas appeler un roman ce pavé en gros caractères, est l’écrivain français le plus lu actuellement à l'étranger, traduit dans 40 langues. Je l'ai lu en français. Il n'y avait pas occitan.
Une critique (Gala) l'a comparé aux polars scandinaves. Diantre ! Qu'est-ce que tu as lu comme auteurs de polars scandinaves ma chérie ? Henning Mankell, Stieg Larsson, Camilla Läckberg ?
Musso est en réalité le Harlan Coben d'outre-Atlantique (de là-bas étant). Sauf que, avec Coben, on a toujours le risque qu'il ait été mal traduit. En tout cas, je peux t'assurer que Musso a été mal relu. Surtout, ne le dis à personne.
L'idée du scénario de la fille de Brooklin n'est pas mauvaise mais la mise en œuvre est polluée par quelques facilités ou incohérences (le maquillage de la mort de la journaliste en suicide n'est absolument pas crédible, entre autres). La fin est bâclée, la clé du mystère est révélée en quelques pages, comme si le quota avait été atteint.
Le narrateur est un auteur de roman policier très connu - comme l'auteur donc - et, pour compenser cette enflure de la cheville, il est légèrement présenté comme un antihéros qui lance l'histoire par une mauvaise impulsion. Un gars qui est capable de partir enquêter aux States seul avec un enfant en bas âge alors que des tueurs sont à l'affût, et de passer avec lui une soirée dans le garde-meubles sordide d'une personne dont il soupçonne l'assassinat. Il faut d'urgence retirer la responsabilité parentale de Guillaume Musso !
À part ça, comme d'habitude (ce n'est pas le premier que je lis !) des citations littéraires non seulement en exergue de tous les chapitres mais aussi dans le texte, et la liste des références desdites à la fin de l'ouvrage. On pourrait être subjugué par tant de culture. Cela rend surtout terriblement criant le décalage entre ces nourritures et le style très fade.
A signaler un détail qui donne le tournis, l'histoire se passe en ce moment même, en pleine campagne présidentielle américaine. Tu as jusqu'en septembre pour bénéficier de cet effet spécial. Ensuite, l'histoire sera vraiment au passé. Je ne te révèle pas qui sera le candidat du parti républicain, ta lecture perdrait de son sel, tu peux le lire, au moins par curiosité, car on ne s'ennuie pas, le suspense restant soutenu. A moins que tu ne préfères attendre le film, je ne doute pas qu'il y en aura un et je si peux donner un conseil à la production, Hugh Grant serait merveilleux dans le rôle de l'écrivain, ne serait-ce que pour la scène irréaliste avec la directrice de campagne du candidat républicain, qu'il arriverait sans nul doute à rendre crédible.
J'ai pris la peine de relever une des rares "envolées" parce qu'elle a éveillé mon attention pour une raison qui n'a rien à voir avec mes commentaires lapidaires.
(...) j'avais détesté les appareils photo, ces machines cruelles à créer de la nostalgie. Leurs milliers de déclics trompeurs figeaient dans l'instant une spontanéité déjà évaporée. Pis, tels des fusils à double détente, ils n'atteignaient souvent leur cible que des années plus tard, mais touchaient toujours le cœur. Car, dans nombre d'existences, rien n'est plus fort que le passé, l'innocence perdue et les amours enfouies. Rien ne nous remue plus les tripes que le souvenir des occasions manquées et le parfum du bonheur qu'on a laissé filer.
C'était aussi pour cette raison que j'avais adoré devenir père. Avoir un enfant est un antidote à cette nostalgie et à cette fraîcheur fanée. Avoir un enfant vous oblige à vous délester d'un passé trop lourd, seule condition pour vous projeter demain. Avoir un enfant signifie que son avenir devient plus important que votre passé. Avoir un enfant, c'est certain que le passé ne triomphera plus jamais sur l'avenir*.
La conclusion de cet extrait est vraiment à deux balles. Quand tes deux parents seront morts et que tes enfants seront grands, tu comprendras ce que je veux dire.
Comme j'ai déjà lu le dernier Vargas, je retourne en Scandinavie.


Notes :
- à charge :  « Comparé à Marc Levy, c’est quasiment du Victor Hugo (même si, comparé à Hugo, c'est bien du Levy) » (Le Nouvel Observateur).
- à décharge : « On a en effet raillé Musso pour l’apparente pauvreté, pour ne pas dire l’indigence, de ses intrigues et de son écriture. C’était négliger le fait que ce romancier (...) a amené à la lecture des gens qui avaient presque définitivement vendu leur âme aux écrans » (Libération).
 
* Guillaume Musso, La fille de Brooklyn, 2016, pp. 284-285.





6 commentaires:

  1. Vivement la parution de Tombe Victor, je crains que Musso ne me tombe des mains l!

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    1. J'en doute, encore faudrait-il qu'il ne les atteigne...
      Pour en savoir plus sur l'allusion de Celeos, cliquez sur Tombe Victor

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  2. Eh bien si, estèf ! A la suite de ton billet, je me suis quand même enquis d'ouvrir Musso l'autre jour à Cultura. J'ai lu une page. J'en ai conclus qu'écrire avec ses pieds était fort profitable. J'ai reposé le bouquin (tant de belles forêts détruites !). Je me suis convaincu que j'allais écrire avec ma bite.

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    1. Avec ta bite, ça risque d'être plus laborieux. Les belles forêts finissent plutôt en planches, en réalité beaucoup de papier est fait avec des forêts de merde.

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  3. Je reçois ce message d'Anna sur ma boite mel (5/02) :
    Bon! Blogger ne veut pas de mon commentaire chez vous.
    Alors, je vous le laisse ici, en espérant qu'il tombe bien.

    Je disais, donc, dans ce commentaire à peu près ceci:

    La Chinoise passe, parfois, vous lire. Et passe, aujourd’hui, pour laisser un mot ici ; vous dire qu’elle pensait à vous en fermant un livre, il n'y a pas longtemps. On n’y parle pas de la fille de Brookling, mais du garçon de Barbezieux et de ça, de ça surtout : … rien n'est plus fort que le passé, l'innocence perdue et les amours enfouies. Rien ne nous remue plus les tripes que le souvenir des occasions manquées et le parfum du bonheur qu'on a laissé filer.

    Si envie d’un peu de lecture, un petit aperçu, ici.

    Bon dimanche et… bonne lecture !

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    1. Et je réponds par la même voie :
      Bonjour Anna

      Les commentaires tombent toujours bien. Blogger est parfois un peu réfractaire, il m'arrive d'avoir le même souci sur les blogs amis. J'irai coller le vôtre.

      Sur le moment, je me suis demandé qui avait écrit cette fort jolie phrase mais elle me rappelait bien quelque chose. J'ai donc relu ce billet de juin dernier où j'avais égratigné Musso, qui malgré tout peut avoir de bien jolis mots.

      Justement je lisais par hasard ce samedi une note de lecture du dernier roman de Philippe Besson. Elle donnait envie. Deux invitations en si peu de temps sont un signe à ne pas négliger...

      Bien à vous

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