samedi 7 mai 2016

C'était maintenant qu'il fallait le saisir

Je l'avais repéré lors des présentations du matin. Il avait tout l'air d'un ancien grand timide qui a pris sur lui. Il était intervenu plus tard avec son grand corps modeste, emmitouflé dans une sédimentation d'étoffes qui devait bien couper le vent glacial et masquait la conformation de son torse. Son élocution était facile avec quelques tics de langage. Je regrettais qu'il soit si factuel et qu'il ne contextualise pas plus. Il m’intéressait plus de savoir pourquoi ces paysans avaient fait cela que d'avoir le détail du comment et la place de tel ou tel.
Maintenant je mangeais en face de lui et je pouvais l'interroger à loisir sur ce qui m'avait manqué. Il s'était bien découvert pour ne garder qu'un tee-shirt. Le coton laissait devinait des pectoraux assez mous, ses bouts de seins poussant le tissu, et un embryon de ventre. Je voyais assez ce que pourrait devenir un tel corps rustre s'il ne s'en préoccupait pas. Il était de ce point de vue à un tournant de sa vie. J'avais trouvé son visage banal presque rougeaud sous sa barbe de trois jours, mais avec un sourire prometteur. Maintenant son visage rayonnait et je le trouvais beau. Pendant le repas nous n'avons cessé tout en parlant de nous regarder du coin de l’œil. J'avais commencé à l'observer discrètement. Il me rendait la pareille. Chaque fois que je relevais la tête, je croisais son regard qui se dérobait très vite. Je m'étais obligé à conserver le vouvoiement, ce qui n'est pas trop dans mon habitude. Je ne voulais pas créer un déséquilibre qu'il eût pu mal comprendre.
Nous manquions de vin. Il s'était levé pour prendre une bouteille sur la table voisine, juste pour me servir. Il a bien fallu finir de manger. Je l'ai regardé gourmand déguster son dessert.
Un peu plus tard nous nous sommes revu dans une autre salle. Je faisais des photos et il s'est retrouvé dans un de mes cadrages. L'interpellant sur ce qu'il lisait, il m'a répondu par le tutoiement et toujours son sourire.
Je l'ai juste aperçu dans le groupe avant de repartir. J'aurais aimé lui serrer la main mais j'aurais dû me rapprocher de lui exprès au delà du convenable.
Je doute avoir l'occasion de le revoir.



4 commentaires:

  1. Encore un mec qui n'a pas l'esprit d'analyse ni de synthèse ! raison de plus pour aller au-delà du convenable, il ne comprendra pas ce qui lui arrive et tu auras eu le plaisir de lui faire comprendre qu'il te plaisait. Il n'est jamais trop tard.

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    1. Je crois qu'il a compris. Qui sait, peut-être le reverrai-je ?
      Mais si je le croise sur une aire, fais-moi confiance, je n'hésiterai pas !

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  2. Pour éviter ce genre de regret, il faut agir.

    Tu sauras quoi faire la prochaine fois :-)

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    1. Les circonstances ne se prêtaient pas à une conclusion. J'étais, accompagné, en milieu professionnel. Je n'ai pas grand regret. J'aime assez rester en suspens. C'est stimulant pour l'imagination...

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