vendredi 26 février 2021

Du cinéma d’époque et autres considérations (à Matoo)

J'allais commenter un billet de Matoo. Mon commentaire était si long, je risquais de le truffer de fautes de frappe, le sujet m'a si souvent posé questions et j'ai si peu publié dans mon mois en creux de février que j'en fait plutôt un billet en écho. Toute ma vie, j'aurais rêvé d'être prof d'histoire et il m'en résulte une attachement très fort à ce que l'on appelle souvent la "vérité historique", que je préfère mettre entre guillemets, car comme chacun ne sait pas, en particulier une bonne part de nos élites politiques qui ne lisent plus depuis longtemps, le recensement permanent des faits historiques et leur analyse ouvre régulièrement de nouvelles perspectives sur le passé.

De l’importance ou pas de la reconstitution des époques mais aussi de celle d’avoir des comédiens les plus proches possibles de leurs rôles. Matoo titre son billet selon ce procédé suranné qui indique très clairement ce dont on va parler. C'est ici.

J’ai l’impression que le cinéma est plus ambigu que le livre ou le théâtre. Pour le livre, les genres sont clairement posés, entre l’ouvrage historique, le roman historique et la fiction, on ne s’égare pas. Au théâtre, on peut se permettre plus facilement les adaptations sans tromper, car finalement « on joue » vraiment. Avec le film, téléfilm ou série, historique toutes les ambiguïtés me semblent possibles et les mentions introductives et fugaces n’y changeront rien. Une reconstitution d’époque est prise pour la réalité. Jusqu’où peut-on la travestir ? Après avoir vu une œuvre historique, je passe un bon moment dans les bouquins. Regardant la série sur les Médicis, je lisais et relisais des bios entre chaque épisode. Combien de raccourcis, de personnages supprimés, de temps modifiés, un historien devait s’arracher les cheveux, mais j’ai eu l’impression que ce n’était pas si grave et que l’époque était assez bien restituée. Et finalement ce qui m’a le plus gêné c’est ce champ de blé sans coquelicot qui revient à plusieurs reprises pour servir de décor à un cavalier. Une image d’agriculture intensive avant le XXe siècle est rigoureusement impossible ! Tu diras que c’est mon macaron... 

Comme ça me fait bien sourire de voir l’attaque de ces sauvages de Scots dans le Robin des bois de Kevin Costner qui se déroule dans une plantation forestière. Même s’il s’agit d’une fiction, elle est censée se passer au Moyen âge. On pourra débattre aussi sur le caractère sauvage des Scots mais le choix du lieu était très mauvais. Ça m’étonne toujours qu’on cherche à être aussi fidèle sur les objets, les costumes et le bâti, mais rarement sur les paysages et décors "naturels". Voir par exemple cette malheureuse vierge du XVIe siècle, qui apparait si peu longtemps que je n'ai jamais réussi à la capter, dans Le nom de la rose - et qui fit honnir Jean-Jacques Annaud par quelques-uns alors que souvent dans les films d’époque les cavaliers traversent des prairies alors qu’il eût plus réaliste qu’ils suivent tout simplement le chemin, comme dans la La princesse de Montpensier.

Sur le choix de comédiens d’une autre « couleur » ou origine, je ne le comprends pas pour une reconstitution historique mais je ne serais pas gêné pour une adaptation théâtrale... Ceci dit, si le film est une uchronie - j'ai découvert le mot en lisant Matoo, merci encore - tout devient possible.

Quand à la question du respect du genre, c’est pour moi un gros délire car il me semble qu’un comédien doit pouvoir tout jouer et qu’il y en a marre de tout mettre dans des cases.

Et pour finir, quand on veut prendre ses libertés, il reste l’adaptation et la transposition à une autre époque, à la mode de L’éternel retour, ce modèle du genre qu’on nous fit voir quand nous étudiions Tristan et Iseult.

Et sinon, mais ce n’est pas non plus historique, si tu savais comme je souffre du Bossu de Philippe de Broca dans la traversée des Alpes au milieu des forêts de mélèze alors que Paul Féval l’avait situé dans les Pyrénées. J’aime beaucoup néanmoins le début de ce film. Vincent Pérez est excellent dans un duc de Nevers qui parait déjanté mais comment expliquer sinon cette capacité que les hommes d’épée avaient à courir vers la mort. En général, j’arrête le film après la mort du duc dans les fossés de Caylus. Henri de Lagardère a 20 ans au début de l’histoire, 40 ans quand il revient d'Espagne avec la belle Aurore. C’est une pitié de l’imaginer sous les traits de Daniel Auteuil (47 ans en 1997) après Jean Marais, Jean Piat ou même plus tard Bruno Wolkowitch. Un autre macaron 😉. 


 

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