dimanche 10 mai 2020

Ne me parle plus de sport-co !

"Plus je lis de choses négatives sur les profs, plus je me rappelle ce que je leur dois." Matoo commence ainsi un billet de sa belle écriture, qui m'a nécessairement touché comme je leur dois autant que lui. Tandis que je lisais, je pensais à elles et à eux, dont je me souviens de quasi tous les noms encore. Pour pallier tout oubli cependant, j'ai consigné un jour tous ces patronymes sur une feuille à petits carreaux de grand format. Je la retrouverai le jour du grand rangement, sans doute pas très loin de ma boîte à dents de lait. En passant, je pense devoir aussi en parallèle à mes parents une éducation respectueuse des enseignants, sans aveuglement non plus, mais ils m'ont fait passer une forme de reconnaissance a priori envers ceux non pas qui te font sortir du lot mais participent à ta construction. Une vision de l’École qui me semble souvent oubliée. Maintenant que je connais notre histoire familiale à travers de nombreux siècles, je sais pourquoi ils n'attendaient pas de l'École des choses incommensurables mais seulement la connaissance élémentaire pour rester libres, sans forcément le conceptualiser.
Bien sûr donc, il me revenait beaucoup d'images, de chaque année. Je ne développerai pas  mais il est vrai que depuis ce billet, de nombreuse séquences défilent chaque jour et une anecdote est venue placer quelques souvenirs en creux.
Au préalable, il faut que je souligne que je dois plus à des femmes qu'à des hommes. On me dira que celles-ci emportant la majorité de mes enseignantes, c'est somme toute assez normal. Mais les nombres sont implacables, sur la quarantaine de femmes, je ne saurais guère trouver aucune louange pour l'une d'elles, sur la quinzaine d'hommes, peu ne seraient pas à clouer au piloris. Je ne tiens pas compte de l'enseignement dit supérieur qui est une autre affaire.
Un proche me signale ces derniers jours, une référence à un professeur de sport - pour le dire de manière moderne - qui sévit autrefois dans le lycée où j'ai passé mon adolescence. Si je me souvenais ? Il se trouve qu'un entraineur de haut niveau dans une discipline que je tentai de pratiquer au collège, célèbre ses louanges dans des entretiens à la presse et dans un ouvrage paru il y a quelques années.  Si je me souvenais de ce - comment dire ? -, par ailleurs beau, brillant et prétentieux quadragénaire qui cassait du petit con inadapté par essence même au sport-co ? Je suis allé lire les textes en question. Çà m'a conduit sur la fiche wikipédia du club où le prof sévissait comme entraineur. Il manquait un nom. Celui de son prédécesseur qui avait tenté de m'initier à la discipline. Je cherche encore. Je trouve un avis de décès. Son prénom que je n'avais jamais connu. Des commentaires. Parmi eux, celui d'un copain d'enfance jamais revu depuis, Coco, que j'aimais bien, nous étions de nos anniversaire respectifs. Un commentaire très élogieux à l'opposé de ce que j'aurais pu écrire. Je suis le fil. Je vois ce qu'est devenu ce copain. Je passe aussi par Copains d'avant. Je tombe sur une photo de classe de 5e. C’est bizarre, je n'y suis pas. Je me souviens du prof qui nous accompagne ce jour-là. Son expression de suffisance éternelle. Celui-là aussi m'avait pris en grippe. J'avoue que je ne le supportais pas avec sa petite cour de filles du premier rang qui se pâmaient d'aise à la moindre de ses petites blagues. Il devenait coq. Je trouvais ça affligeant. Un jour, où il nous étalait ce qu'il pensait être de la culture, je l'ai mis en boite devant toute la classe. Le concert de ricanements qui a suivi n'a pas duré quelques fractions de secondes. Je me suis pris un vent comme jamais. Il m'en a voulu toute l'année et je crois bien n'avoir plus jamais ouvert la bouche sans qu'il ne me le demande. Mon niveau d'anglais s'en souvient encore. Sous la photo, un commentaire élogieux de mon copain Coco. Lui c'était un vrai premier de la classe, je dis cela très affectueusement. Il donne une anecdote. Je me souviens et j'admets qu'il avait des méthodes intéressantes. Mais où suis-je sur cette putain de photo ? Je revois mes meilleurs copains du moment et d'après, Émile, Dilou... Au dernier rang, je remarque un garçon aux cheveux mi-longs, souples. Je ne me souviens plus de lui. Et si c'était moi ? Ça pourrait mais quelques années plus tard, quand je serai sorti de ma carapace. Je comprends soudain, la photo est tronquée sur le côté. Le phone n'affiche pas correctement. Je vais sur l'ordi. C'est bien moi. Une coquille de cheveux longs bien raides qui masquent mon infirmité, des lunettes visières devant les yeux, le peu de visage qui apparait est fermé. Tu m'étonnes poser, avec le prof d'anglais...
Je repars sur le parcours de Coco. Il est devenu prof lui aussi. Je le comprends... Il doit être très fort, pédagogue et humain.
Je repense aux deux profs de gym. On a suffisamment écrit sur les blogs de garçons sensibles sur ce qu'on pu vivre les uns et les autres avec ces types de prof et leur absence de pédagogie adaptée aux êtes pour lesquels ce n'est pas naturel de courir après un ballon ou de placer son corps. Pourquoi n'apprenait-on pas à détecter les problèmes de coordination chez les enfants à cette époque où la motricité n'était pas un fondamental de l'école maternelle ? Pourquoi tolérait-on et tolère t'on encore cette pratique qui consiste à repérer les meilleurs en classe et à leur consacrer plus de temps pour la grande gloire du sport et des résultats des clubs ?
C'est con, mais finalement de lire les textes de cet entraineur de haut niveau et les commentaires de mon copain Coco, ça me donnerait presque de l'empathie pour eux. Finalement, ils n'étaient pas que mauvais. Peut-être même, vais-je compléter la fiche wikipédia pour sauver de l'oubli, le prof du collège, dont certaines pratiques - il nous faisait jouer sous la pluie - finissent par me faire sourire alors que l'orage fait rage ici. Ces gars étaient faits pour le sport de haut niveau et vivaient leur état professionnel comme un purgatoire et non comme un sacerdoce. Une position intermédiaire aurait suffit. Évidemment, nous pouvions être de petits cons - je ne m'en suis pas privé - mais je n'en prendrai toutefois pas plus ma part eu égard aux deux autres profs de sport que j'ai connu et qui ont su décoincer quelques trucs et m'aider à relativiser.



Photo extraite du film Douches froides, film de Anthonu Cordier (2005), avec Johan Libéreau.


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