vendredi 14 décembre 2018

La poudre de perlimpinpine

Il faut ne jamais avoir douté ou fait d’acte de contrition pour ne pas ressentir ce qui a pu se passer dans la tête bien pleine de notre président devant 23 millions de téléspectateurs sans compter les radiophiles. L’audience d’un match de coupe du monde. Un moment digne du coup de boule de Zidane. D’autre penseront à Canossa. Il en faut pour toutes les cultures. Certains pensent que quand la bête est blessée, c’est là qu’elle devient la plus dangereuse, de là à vouloir l’achever, l’idée n’a pas manqué de germer chez quelques gilets jaunes.

La poudre de perlimpinpin est un remède mythique qui allie la prêle et le pimpin. Par Pimpin, il ne faut pas entendre le vacoa des montagnes, cher aux réunionnais, contrairement à ce que suggère Wikipedia, mais sans doute plutôt l’œnanthe safranée, plante très toxique contrairement à la prêle aux vertus reconnues. Dans mes contrées de prédilection, on nomme aussi pimpins ceux qui croient aux vertus de la poudre.

En regardant le président, je ne me suis demandé s'il s'était entrainé auparavant, à la manière de Julien Sorel bénissant devant la glace. Cet homme a fait du théâtre, on le voit, on le sent. Pour autant je n'ai pas douté de sa sincérité, au sens de son sentiment que ce qu'il annonçait allait suffire à calmer la grogne. Car ce mouvement considéré par d'aucuns comme sorti de presque rien et de nulle part devait pouvoir être calmé avec la poudre. On mesure l'impréparation et l'absence de jeu collectif au somment à l'aune de la mesure sur le smic. La ministre du travail a doctement expliqué sur la 2 aux deux gilets en délégation non reconnue, Laetitia et Benjamin ignorants du processus, que l'augmentation du smic avait un effet mécanique sur les autres rémunérations. Las, il s'agissait en réalité de la prime d'activité qui n'a aucun effet sur la mécanique des fluides salariaux. Bref, nous sommes dans la situation chiraquienne de la charte de l'environnement adossée à la constitution qui fit bien délirer les juristes durant quelques mois, la notion étant inconnue en droit constitutionnel. On a bien sûr fini par trouver une solution, pendant ce temps, la maison brûlait toujours et l'on sait d'ailleurs qu'elle brûle encore.

C'était le soir où le président aurait pu devenir un grand président. Avec la dernière partie de son discours, on pouvait imaginer quelque révolution démocratique. J'aurais aimé qu'il précise son accord pour comptabiliser le vote blanc. On va simplement le compter pour information, en le distinguant du vote nul, ou bien s'il est majoritaire, l'élection devra être rejouée jusqu'à ce qu'une majorité réelle se dégage sur un projet ? Il y avait deux options, entrer dans l'histoire ou tenter de rester au pouvoir. Le courage sur ce point aurait été d'annoncer une réforme constitutionnelle préparée par une assemblée comprenant une part significative de tirés au sort, et d'annoncer la fin de son mandat à l'issue du processus. En lieu et la place, nous avons eu le numéro d'un grand enfant qui demande pardon. Je l'avoue, j'ai failli être charmé par ce premier communiant. Ma tête brune m'aurait fait chavirer, c'est certain.

Les gilets jaunes ont commencé à se déchirer, voire à se battre entre eux autour de certains ronds-points. Évidemment, ils sont partagés entre le quitte et le double. Ce que je reprocherai le plus à ce mouvement est le refus d'une organisation minimale. La diversité des revendications ne m'étonne pas, même si certaines d'entre-elles, les ultras, me hérissent ; la volonté de ne pas désigner des représentants non plus. Mais organiser un service d'ordre est indispensable. Sinon on laisse la porte ouverte aux casseurs et aux débordements inévitables - même si inacceptables - des forces de l'ordre, qui ne sont pas des éducateurs spécialisés, et on instrumentalise ces deux phénomènes, des deux bords, ne soyons pas aveugles. Si un tournant devait être pris dans la poursuite du mouvement, ce devrait être celui-là, permettant de grandes manifestations pacifiques. On sait qu'un nombre très important pourrait avoir alors un effet considérable. Avec le degré de popularité atteint aux antipodes du président et des gilets jaunes, ce pourrait être des millions de français dans la rue. J'en serais alors.

J'espère que nous sommes au bout de ce décalage terrible entre la vraie vie et la vision de ceux qui nous gouvernent. Moi qui ne suis pas à plaindre, je suis confronté quotidiennement depuis des années, à ces gens qui ne connaissent rien de concret, qui imaginent des mesures en pure théorie et se réfugient derrière des indicateurs simpliste sensés rendre compte d'un monde complexe, profèrent des âneries incommensurables contre lesquelles on ne peut véritablement s'opposer dans la hiérarchie des ordres de la société. Plus tu grimpes, plus tu es sensé savoir, plus tu t'éloignes de la réalité et plus la contradiction t'insupporte. On pourra lire ou relire avec intérêt le post de Michèle Delaunay, publié après sa sortie du gouvernement en 2014, où elle s'offusquait du parcours de la plupart de nos élites sans aucune confrontation avec le réel. Même un prix Nobel d'économie, concentré sur les résultats statistiques d'une science non exacte, comment peut-il entendre gouverner nos vies alors qu'il n'aura passé sa vie qu'à manipuler des chiffres ?

On attend la suite. En ces temps troublés l'art du non savoir-vivre ensemble atteint des records inégalés au somment des institutions et sur l'Olympe de ceux qui tiennent les rênes de l'économie, et libère une parole de plus en plus outrancière de tous les côtés, quand elle n'est pas vulgaire comme ce slogan que je vois propulsé sans qu'il ne choque plus ses porteurs "baise ta vieille et pas les vieux". J'espère qu'on ne lira pas un jour dans Wikipedia que la poudre de perlimpinpin composée autrefois de deux matières végétales, est devenue poudre de perlimpinpine dès lors qu'un président de la République française y ajouta une matière animale de sa composition.





3 commentaires:

  1. Merci pour la clarification concernant la prime d'activité. Vivant dans un système politique différent, j'observe vos présidents et leurs ministres avec étonnement. À part quelques exceptions, elles/ils sont totalement impréparés à remplir leur tâche et ne s'en rendent pas compte. Comment pensent-ils, les uns après les autres, diriger un pays dont ils n'ont jamais fréquenté la population, en travaillant à l'usine, aux champs, dans un commerce, un restaurant? C'est ahurissant.

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    1. La France attache beaucoup plus d’importance à la formation magistrale et à l’expérience hors sol qu’à la formation pratique et à l’expérience du terrain. Et il est souvent d’usage de fonctionner plus par imitation que par esprit critique...

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  2. serait- il victime du principe de Peter, très en vogue dans les milieux bancaires - et je parle d'expérience non pas personnelle car j'ai eu la possibilité de tenter une nouvelle aventure au sein de l'institution bancaire qui m'a permis de me remettre en question tel un alpiniste se retrouvant au pied d'un nouveau sommet à atteindre sachant que la descente est plus dangereuse que l'ascension - mais de constatation de dirigeants bardés de diplomes pourtant et conduisant une entreprise à sa perte en 2008 par un ego surdimensionné et une soif de pouvoir qui leur ôta toute sagesse pour se trouver face à un mur qu'un feu service militaire auquel ils avaient échappé aurait pu leur donner la clé - à moins d'un Houdini, qui leur aurait appris que tout pouvoir est illusion si il n'est que poudre aux yeuxoire

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